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Évolution des groupes consonantiques
16-04-2025



- Un groupe consonantique est un groupe de deux consonnes ou plus, qui se suivent dans un mot.


- Cette partie traite de l'évolution des groupes consonantiques latins primaires (pătrĕm > paire "père"), mais aussi de l'évolution des groupes consonantiques latins secondaires obtenus par syncope (lĕpŏrĕm > lèbre "lièvre"). Pour ces derniers, elle renvoie souvent à la partie Apocopes, syncopes, évolution des proparoxytons.


- Cette partie concerne aussi les emprunts (au grec, au gaulois, à l'a.b.fr., au sl.pr., etc.).


- Le tableau ci-dessous permet d'orienter le lecteur vers un groupe consonantique recherché.



















2e cons.→
b
c
d
f
g
gu (1)
j
l
m
n
p
qu
r
s
t
v
1e cons.
b
bc
bd
bf
bg
-
bj
bm
bn
bp
bqu
bs
bt
bv
c
cb
cc
cd
cf
cg
-
cj
cl
cm
cn
cp
cqu
cr
cs
ct
cv
d
db
dc
dd
df
dg
-
dj
dl
dm
dn
dp
dqu
dr
ds
dt
dv
f
fb
fc
fd
ff
fg
-
fj
fl
fm
fn
fp
fqu
fr
fs
ft
fv
g
gb
gc
gd
gf
gg
-
gj
gl
gm
gn
gp
gqu
gr
gs
gt
gv
j
jb
jc
jd
jf
jg
-
jj
jl
jm
jn
jp
jqu
jr
js
jt
jv
l
lb
lc
ld
lf
lg
-
lj
ll
lm
ln
lp
lqu
lr
ls
lt
lv
m
mb
mc
md
mf
mg
-
mj
ml
mm
mn
mp
mqu
mr
ms
mt
mv
n
nb
nc
nd
nf
ng
ngu
nj
nl
nm
nn
np
nqu
nr
ns
nt
nv
p
pb
pc
pd
pf
pg
-
pj
pl
pm
pn
pp
pqu
pr
ps
pt
pv
qu
qub
quc
qud
quf
qug
-
quj
qul
qum
qun
qup
qqu
qur
qus
qut
quv
r
rb
rc
rd
rf
rg -
rj
rl
rm
rn
rp
rqu
rr
rs
rt
rv
s
sb
sc
sd
sf
sg
-
sj
sl
sm
sn
sp
squ
sr
ss
st
sv
t
tb
tc
td
tf
tg
-
tj
tl
tm
tn
tp
tqu
tr
ts
tt
tv
v
vb
vc
vd
vf
vg
-
vj
vl
vm
vn
vp
vqu
vr
vs
vt
vv

















Tableau ci-dessus : table des groupes de deux consonnes en latin. Cette table oriente la recherche du lecteur, qui peut cliquer sur les liens. Elle dirige aussi bien vers les groupes consonantiques primaires que vers les groupes secondaires, et les emprunts. Des groupes à plus de deux consonnes existent en latin (pŭnctŭm, scrībĕrĕ...) ; on trouvera ces derniers généralement aux deux dernières lettres (pŭnctŭm : voir ct, etc.). 


(1) en latin, la consonne gu n'existe qu'après n.




Introduction : groupes consonantiques et structure des syllabes



Le découpage de la chaîne parlée en syllabes (syllabation) se fait inconsciemment par les locuteurs. Il est fondamental pour de nombreux aspects fonctionnels de la langue (par exemple l'accent latin) ; il est également fondamental pour l'évolution de la langue.


Pour le latin comme pour la majorité des autres langues (?), un groupe biconsonantique est en général composé d'une première consonne formant la coda d'une syllabe, et d'une deuxième consonne formant l'attaque de la syllabe suivante. Cependant pour les muta cum liquida (ci-dessous), la structure syllabique a pu fluctuer.


(CIAP:42) « Examiner le sort de la consonne implosive, c'est déborder l'étude d'un quelconque des éléments de la syllabe, unité foncière du langage, et aborder la question de la structure syllabique.
En ancien provençal (il en est de même en oc ancien et moderne) toutes les consonnes finales de syllabe ne subissent pas le même traitement ; en effet, leur sort est fonction : a) de la série à laquelle elles appartiennent et b) des tendances générales qui régissent les systèmes et qui sont susceptibles de varier suivant les époques. »



Échelle de sonorité

La sonorité est le degré de perceptibilité d'un son, c'est-à-dire l'intensité perçue, la force. Pour simplifier, le degré de sonorité est le degré d'ouverture de la bouche (à ne pas confondre avec sonorité "vibration des cordes vocales pour les consonnes sonores).



Échelle de sonorité

Schéma ci-dessus : échelle de sonorité (d'après uqàm, adapté).




Principe de sonorité

Principe de sonorité : la sonorité doit croître du début d'une attaque jusqu'au noyau d'une syllabe, et doit décroître du noyau jusqu'à la fin (coda) de la syllabe" (princ.son.).



Loi de contact entre les syllabes

Loi de contact entre syllabes : le contact préféré entre deux syllabes consécutives exige que la fin de la première syllabe soit plus élevée en sonorité que le début de la seconde" (loi.con.syl.).


Il faut émettre des restrictions pour cette loi, notamment pour le cas difficile des muta cum liquida (ci-dessous) :


(SSMML:271) à propos du paradigme du mot latin colubra "couleuvre" : "En tout état de cause, ce paradigme montre avant tout que le statut syllabique de muta cum liquida ne peut pas être déduit de ses simples propriétés phonétiques ou de sa courbe de sonorité [...]").










I. Tendances anciennes du latin

Certains groupes consonantiques du latin classiques proviennent d'anciens groupes ; souvent il y a eu assimilation régressive (PHL4:128).


Max Niedermann donne des idées générales affectant les langues :


(PHL4:128) "Lorsque, dans une langue quelconque, deux consonnes entrent en contact, leurs propriétés articulatoires tendent à se niveler, celles de la seconde étant anticipées en tout ou en partie au moment de l'émission de la première ou celles de la première se reportant inversement par la force de l'inertie en tout ou en partie sur la seconde. Ce phénomène est connu sous le nom d'assimilation. L'assimilation peut porter sur la sonorité, sur le mode d'articulation ou sur le point d'articulation. Elle est dite progressive ou régressive suivant que c'est la première des deux consonnes qui exerce son influence sur la seconde ou que c'est la seconde qui agit sur la première. En latin, l'assimilation régressive était beaucoup plus fréquente que l'assimilation progressive."






(PHL4:128)

"Assimilation ayant porté sur la sonorité" : (assimilation du trait de voisement, ou trait de sonorité)


"une occlusive sonore devenait sourde devant une occlusive ou une fricative sourdes"

"une occlusive ou une fricative sourde se sonorisaient devant une occlusive sonore".


Dans la genèse de l'occitan : pĕrtĭcă(m) > AO pęrga, pęrja, pęrcha, pertẹga "perche" : perga montre que pour *pertega > *pertga, on peut imaginer l'évolution rtg > rdg > rg. Par contre, percha signifie l'évolution pĕrtĭcăm > *pertca > *perca > percha.


En français actuel, le phénomène est une tendance générale : soit dans des mots empruntés au latin classique ou à une autre langue ("absent", "anecdote", "Mac Do"), soit à l'occasion de syncopes en "français standard" (du nord de la France) : "médecin" prononcé "métsin".


Durcissement devant sourde (dévoisement : parfois indiqué par " ̥ " ou pour CNRTL :  "ꞈ"  souscrit, par exemple médecin [med̥sè̃] = [méḓsè̃] = [métsè̃]) :


B-S : absent [apsɑ̃]

D-S : médecin [métsè̃]

J-C : fam. "j'crois pas" = "ch'crois pas", "quand j'connais pas" = "quand ch'connais pas"

J-F : fam. "quand j'fais ça" = "quand ch'fais ça"

J-P : fam. "quand j'peux pas" = "quand ch'peux pas"

J-S : fam. "j'sais pas" = "ch'sais pas" = "ché pas"

J-T : "les jetons", "faux jeton" [ʃtò̃], "à jeter" [aʃté] (homonymie avec "acheter")

V-T : "sauvetage" [sóftaːj], "louveteau" [lʋftó]


Sonorisation devant sonore (ou voisement devant voisée) :


K-D : anecdote [anègdòt] (en fait : "k mi-sonore", CNRTL."anecdote"), aqueduc [agduk], Mac Do [magdó]

S-G : "au second tour" parfois prononcé [ó zgó̃ tʋːr]













Voir le témoignage de Quintilien :

(Quintilien De institutione oratoria, I, 7)

7    Quaeri solet, in scribendo praepositiones sonum quem iunctae efficiunt an quem separatae observare conveniat, ut cum dico "optinuit" (secundam enim b litteram ratio poscit, aures magis audiunt p)
8    et "immunis" (illud enim quod veritas exigit, sequentis syllabae sono victum, m gemina commutatur.)
9    Est et in dividendis verbis observatio, mediam litteram consonantem priori an sequenti syllabae adiungas. "Haruspex" enim, quia pars eius posterior a spectando est, s litteram tertiae dabit, "abstemius", quia ex abstinentia temeti composita vox est, primae relinquet.


"On demande si, en écrivant, il convient de se conformer au son que rendent les prépositions quand elles sont jointes à un mot, ou à celui qui leur est propre, comme dans le mot obtinuit, où la raison demande un b à la seconde lettre, quoique l'oreille entende p, et dans le mot inmunis, où cette n, qui est la lettre exigible, se trouvant effacée par le son de la syllabe suivante, est changée en une double m. Il faut aussi prendre garde, quand on est obligé de partager les mots en écrivant, si la consonne du milieu appartient à la syllabe qui précède, ou à celle qui suit : ainsi, dans aruspex, la dernière partie de ce mot venant du verbe spectare, la lettre s doit être réunie à la troisième syllabe, et dans abstemius, mot composé qui désigne l'abstinence du vin, abstinentia temeti, la lettre s sera laissée à la première syllabe."

(ŒCQ1:79).


Consonne + c

Consonne + f
(PHL4:132)
bf > ff

(PHL4:132)
(bf > *pf > ff) obfendo > *opfendo > offendo, obfero > *opfero > offero


cf > ff


(PHL4:132 )exfero > ecfero (Plaute) > effero


df > ff

(PHL4:132) (df > *tf > ff) adfero > *atfero > affero


nf > f

(rétablissement : nf) : p. 68, p 155-156, même la voyelle brève est rétablie (confir, enfèrn, enfant mais voir cas sujet enfas : ns), mais des variantes montrent apparemment le non retablissement de n : AO. cofermar, cofir, ifèrn (et efan ?) FEW 4:666b, 667b note 2


pf > ff

(PHL4:132)*opificina > opficina > officina



sf > ff

(hors PHL) *disfamo > diffamo "divulguer ; diffamer" *disfero > differo "disperser ; différer, remettre", disfacilis > difficilis "difficile"...


tf > ff

voir df ci-dessus


Les formes obfero, adfero, obfundo, adfigo... sont des doublets issus de recompositions analogiques.


Consonne + g :

bg > gg

p. 142-143 : occlusive + g > gg, obgero > oggero "j'offre, j'octroie"

dg > gg

p. 142-143 : adgero > aggero "j'amoncelle, j'entasse"



Consonne + t

gt > ct

(PHL4:128) Voir par exemple le type *ăgtŏs > āctŭs : la sonore devient sourde devant sourde (ci-dessus), et de plus la voyelle antécédente devient une longue : c'est la loi de Lachmann (allongement dans le type *ăgtos > āctus à "Évolution des voyelles latines").

ăgĕre => supin ăgtum > āctum ;

lĕgĕre => supin lĕgtum > lēctum ;

Mais făcĕre => supin făctum : il n'y a pas d'allongement de la voyelle ă.

(LLHO.)

Cependant, les descendants romans de lectŭm témoignent d'un e bref : lĕctŭm : oc liech / lièit, fr "lit" (diphtongaison devant yod) à "Diphtongaison romane").

Je ne trouve pas de développement au sujet de ce paradoxe, mais ce cas ressemble à l'amuïssement de n devant f ou s : il a pu y avoir disparition de g en un premier temps, avec allongement compensatoire de la voyelle : lĕgtŭm > *lētŭm, puis rétablissement de g par analogie sur lĕgĕrĕ, lĕgō... suivi de l'assimilation du trait de voisement (ci-dessus). Dans la langue savante, le e long serait conservé (lat.class.) : *lētŭm > *lēgtŭm > lēctŭm comme dans īfans > īnfans, alors que dans la langue populaire, le e serait redevenu bref : *lētŭm > *lĕgtŭm > lĕctŭm comme dans īfans > infas.






p. 142 :

occlusive + g > gg,

occlusive + c > cc,

occlusive + qu > cqu,

occlusive > bb

bt > pt : *scribtum > scriptum, *nubtum > nuptum, p. 129 subtilis prononcé suptilis, plebs prononcé pleps... ("Assimilation ayant porté sur la sonorité")



Consonne + nasale (m, n)

Voir ci-dessous la loi occlusive + nasale > nasale + nasale.

(p. 130) : Type *secmentom > segmentum (et *sopnos > *sobnos > somnus, *prismos > *prizmos > primus...), p. 134

(p. 141) : *tolno > tollo

(alnus et ulna : contact entre l et n plus récent : p. 141-142)



Consonne + liquide (l, r)

(p. 130) s > z n'est qu'une étape menant à l'amuïssement : *disruo > *dizruo > diruo "je démolis",  preslum > *prezlum > prelum "presse ; pressoir".

p. 137 : occlusive + r > rr (semble rare, car dr, tr... conservés) : abrapio, subrapio > arripio, surripio (aussi latin vulgaire : arripare)

p. 138 : occlusive + l > ll : adloquor > alloquor "j'adresse la parole à ; je harangue, j'exhorte" ; *gradlai (gradior "je marche") > grallae "échasses"



Consonne + s (ci-dessous : occluvive labiale + s)

a-, ab-, abs- (triple forme) est exactement comparable à e-, ec-, ex- (p. 132)

occlusive dentale + s (p. 133)

adsequor > *atsequor > assequor "j'atteins"

*pets > pes "pied" (mieux expliqué dans Wiki que miles "soldat")...  (dégémination de s)



occlusive labiale + s (p. 129)

bs > ps : nubsi > nupsi, *scribsi > scripsi

absinthium (< ἀψίvθιοv) > (DOM "aussens", "aissens"), *axinthium, (axentium, IXe siècle) remplace absinthium et évolue en aissent.


ns > s : p. 155-156 (amuïssement de n devant f et s)

liquide +  s (p. 140) :

Il y a assimilation progressive : *ferse > ferre, *velse > velle, *wersen > verres "verrat", *kwolso > collus...










II. Tendances générales de l'occitan pour les groupes consonantiques


Remarque : certains aspects sont difficiles à élucider en raison de la réfection possible des mots en latin populaire, dont les traces à l'écrit sont évidemment quasiment inexistantes. Par exemple : ructare > *ruptare > rotar, "roter", captīvŭs > *cactivus (> caitieu, cautieu, catieu, "chétif").




Tendance à l'ouverture des syllabes latines


L'occitan, comme d'autres langues romanes (mais pas toutes), a tendance à ouvrir les syllabes fermées latines.


Je retranscris les propos très instructifs de CIAP:43 :


« La syllabe latine était ouverte ou fermée. [...] Les modifications que le provençal, dans un laps de temps d'environ mille ans, a apporté à cette structure syllabique sont les suivantes :


1. La syllabe latine ouverte a conservé ce caractère (faba > fava). Ce n'est pas un fait absolument normal et régulier : en italien par exemple, la gémination conditionnée par un l, r, y, w, etc., démontre qu'une évolution en sens inverse est possible : (type : labru > labbro, duplu > doppio, ericiu > riccio, aqua > acqua, etc.) ;


2. La syllabe entravée enregistre, par contre, la tendance à l'ouverture, connue également par le français, et réalisée par l'une des voies suivantes :
   a. réduction des géminées (type vacca > vaca). Le phénomène n'est pas non plus général : le toscan, non seulement sauvegarde les géminées originelles (annu > anno, bucca > bocca, carru > carro, stella > stella, etc.) mais renforce cette classe de phonèmes par diverses voies : octo > otto, septem > sette, lege > legge, etc. ;
   b. réduction, par une assimilation complète, de ou des éléments consonantiques implosifs, primaires ou développés par suite de la syncope (type : subtile > sotil, hospite > *ospte > oste). Là encore nous ne nous trouvons pas en présence d'un fait de phonétique générale ni même romane : le roumain conserve les consonnes en cette position (subtile > subțire, vestimentu > vestmânt, etc. ; dans des mots agglutinés cette langue peut présenter des groupes disjoints de cinq consonnes : octo-super-decem > optsprezece [/ˈopt.spreˌze.ʧe/ "dix-huit"] ;
   c. ouverture (vocalisation) de la consonne implosive. C'est un traitement particulièrement révélateur sur la structure d'un système linguistique, raison pour laquelle nous insisterons tout spécialement à son sujet. »






Pour l'occitan, une consonne implosive a pu suivre l'une des cinq voies ci-dessous (CIAP:43-45).




A. Vocalisation de la consonne implosive


Pratiquement toutes les consonnes peuvent être concernées ; l'aboutissement est souvent i, parfois u (CIAP:43).


La vocalisation de la consonne implosive est un phénomène beaucoup plus étendu qu'en français ; d'ailleurs l'évolution de type pătrĕm > paire est une évolution spécifique à l'occitan.

Voir aussi B-T : dēbĭtŭm > dēbĭtăm > fr dette / oc deute, dèude (en AO le genre est variable : pl.n.>sing.f., avec aussi les variantes AO dpte, dpta), cŭbĭtŭmfr coude / oc coide, mălĕ hăbĭtŭm > fr malade / oc malaut.


Voir aussi vocalisation de v / b final et préconsonantique.


Voir aussi ci-dessous amn, ann > aun.


Remarque, pour l préconsonantique : en catalan et dans le sud-ouest de la France :

Pour consonne implosive > u, en catalan parfois l'aboutissement est l (à étudier). Par exemple, pour le fleuve Aude : Alde, decima > cat delme, a.gasc. delma "dîme" (LNDFA), tĕgmĭnĕm > gallicien tlmo de pra "endroit de stockage à l'avant du bateau pour les objets de navigation"...




Occlusive + autre occlusive


latin LPC

occitan
- p / b + occlusive-

-ut-
-pt-

-ut-
scriptum

escriut



-bt-

-ut-
gab(a)ta

gauta




- k / g + occlusive-

-yt-
-kt-

-yt- > -ch-
factum

fait > fach
(voir évolution de /kt/)



-gd-

-yd-
frig(i)dam

freida



- t / d + occlusive-

-yt-
-tC-

?
pas d'exemple





-dt-

-yt-
imped(i)tare

impeitar



Tableau : l'occlusive devant une autre occlusive est vocalisée




captivus > cautieu, caitieu

adaptus > asaut, asautar... adaut, adautar...



Autres

abs :

absĕm (de nom absēns > absēs : part. prés. latins) > abs > AO aus, laus "non cultivé (en parlant d'une terre)".


ks (et x) :

/ks/ > /ys/

(pour ĕx et ŏx voir diphtongaison conditionnée par y)

bŭxŭ(m) > bois

Caxanicis (année 956 Caxanicus) > Caissargas "Caissargues" (30)

cŏxă(m) > cuèissa

exāmĭnĕm > eissame

sĕx > sièis

laxārĕ > laissar


ps :

Déjà en latin vulgaire, ps > ss : (ALLRL:5) (lat. vulg. ixī /ĭs.sī/ « ipsī » (Leumann, 1977 : 204), x est une graphie hypercorrecte pour ss)


rs :

extrorsŭm > estrọs










B. Assimilation complète de la consonne implosive

Octave Nandris donne (CIAP:44) : "eructare > rotar, scriptu > escrit, rotulu > rotle-role, subtus > sotz, etc.". Remarque : pour (e)ructare, il y a eu évolution précoce en ruptare (CNRTL).





C. Assimilation partielle de la consonne implosive

(spatula > espalla, rotulum > rolle, spinula > espilla)




D. Adaptation de la consonne implosive



Adaptation : en général, consonne + m, n > r ou l + m, n (absinthium > arsent à côté de aisen, ausen "absinthe" ; bodina > borna à côté de boina "borne" ; almosina > almǫrna, almǫsna, à côté de almǫina "aumône") "Il s'agit assurément d'un phénomène non d'évolution mais d'adaptation (traitements acquis sans formes intermédiaires) : la consonne implosive dans les groupes consonantiques évoqués (dn, sn, sm, cm, bs, etc.), groupes insolites, a été transformé en r ou l, peut-être aussi bien sous l'influence analogique." (CIAP:45)




. Évolution n > r dans des groupes consonantiques


. n > r après consonne



Le groupe "consonne + n" n'apparaît qu'à la faveur d'une syncope de proparoxyton, voir voie 3 à  consonne-N. En occitan, la syncope semble se produire surtout dans la situation occlusive -voyelle-n, auquel cas on obtient occlusive-r, qui est une muta cum liquida.


plătănŭm > blai, rouerg blasi, Vel bladre.


latin LPC

occitan (et français)
C'n

Cr
Carnŭtĭs > Cartŭnĭs (LNDFA) > *Cartnis

fr Chartres
cŏphĭnŭ(m)

còfre "coffre"
ācŏnŭ(m)
diacre (diague...) "diacre"
Lingŏnĭs

fr Langres (52)
Lŭndĭnŭ(m)

Londre "Londres"
ŏrdĭnĕ(m)

AO ǫrde(n), ǫrdre "ordre"
pampĭnŭ(m)

pampre (pampe...) "pampre"
plătănŭ(m)

Vel bladre (blai, blasi...)






Tableau. Évolution n > r après occlusive.



pampinus > pampre (CNRTL)

diaconus > diacre


tympanon > (Byzance ?) timbanon > *timbne > timbre (FEW 13/2:455b)

Cophanus > coffre

Carnutis > Cartunis > Chartres (Thomas, article sur l'Aude)



Après nasale


Voir l'évolution de mn de type espagnol, ci-dessus : hominem > *omne > hombre.



. n > r devant consonne
 


nb > rb

canbe > carbe "chanvre"


nc > rc


Attestation antique :

Dans Prob, on trouve :

"pancarpus non parcarpus" "le mot correct est pancarpus ["composé de toutes sortes de fruits"] et non parcarpus".
Ou bien c'est une assimilation consonantique ?




ng > rg :

-ānĭcis > -ánegues > -angues > ("par différenciation") -argues (noms de lieu du Gard...)

excŏmmŭnĭcāre > AO escomengar > AO escomergar

manica > manga > marga




ns > rs ?


C'est très peu certain mais possible dans quelques rares cas. Dans les mots latins en ns, le n souvent amuï en latin antique, et souvent rétabli par voie savante (cònse, conseu...) ne semble pas se confondre avec le r devant s, lui-même souvent assimilé au s : corsejar, emborsar, porcieu.


Manselha (voir s > ns) > Marselha ? ; c'est possible mais on peut expliquer le r autrement (voir étymologie de Marselha)


mancipium > AO mancip, massip, marsip "jeune homme"




inverse : FEW : (voir escarrabilhar) :  esmarveillier / esmanveillier


nv > rv :

Dans les exemples ci-dessous, dans nv, le v provient très probablement d'un w épenthique non écrit en latin.

jānŭārĭŭm /yanuwariu/ > genovier > AO gervier, genvier "janvier"

manibus jurare > AO manbes / manves jurar" "jurer en personne" (PMM)

*manuata > a.fr. manvée "poignée"(339)

manualem > AO mambal "manuel"

d'après moi : manuarium > *manovier > AO marvier "alerte, prompt"

tĕnŭĕm> tenve > a.fr. terve "ténu"


nm > rm : (voir ci-dessous)


ănĭmăm > arma "âme"


ănĭmālĕm > oïl : Normandie aumé "jeune taureau, .." Doubs, Haute-Saône armau "jeune bœuf, ..." (FEW 24:588b), sursilvan armal, (FEW 24:592a). En domaine d'oc, il n'existe que la forme savante animau, sauf pour le dérivé ănĭmālĭăm > aumalha / armalha (FEW 24:590a). Les descendants de ănĭmālĭăm ont une large répartition géographique (voir attestations dans FEW 24:590a) et pourtant aucune occurrence dans DOM.


mĭnĭmārĕ > mermar "diminuer, amoindrir"






E. Conservation de la consonne implosive


Conservation (parfois savante, mais aussi populaire : m, n, l, s, r sont "fortes" et ont tendance à se conserver : tempus > tems, vendita > venta, coloratum > colrat, vespa > vespa, ardere > ardre). Et type rotulum > rotle ?





III. Étude systématique des schémas biconsonantiques

Cette partie est en chantier.



b + consonne


bt


Le groupe bt rejoint pt : subtŭs > sota "sous".



c + consonne

En latin classique, les groupes primaires cb, cd, cf, cg, cm, cn, cp, cv (CV) n'existent pas (sauf dans les emprunts aux autres langues).

Par contre, cl, cr sont des muta cum liquida très représentées, et x (= cs) et ct sont également très représentés.


cs = x

Voir dans la Romania orientale : ct > pt (Wikipédia balkan romance languages) : cŏxăm > roum coapsă

Voir diphtongaison conditionnée devant i < k + consonne.

laxārĕ > oc laissar, a.fr. laissier "laisser"



ct

Voir dans la Romania orientale : ct > pt (Wikipédia balkan romance languages) : ŏctō > roum opt "huit"

Voir l'étude particulière ci-dessous : ct, gd.






g + consonne

Dans ce paragraphe, je développe des idées personnelles (mars 2021).


Au départ, g semble avoir souvent évolué en ɣ (ou était-il prononcé ainsi dès le LPC ?), puis il a évolué en y ou en w selon la consonne qui le suit. Puis y ou w ont été vocalisés en ou ʋ̯. Si g a évolué en y (consonne palatale), cela a pu entraîner la palatalisation de la consonne subséquente par palatalisation progressive, ou ne pas l'entraîner. 



gd



Pour *frĭgdŭs, -ă "froid" (voir frīgĭdŭs), l'évolution est nettement différente en occitan et en français : au féminin, la consonne devient /dj/ en occitan (freja, vueja), mais reste d en français ("froide", "vide") (le t dans vŏcĭtŭs a eu le temps de se sonoriser > d).


(IPHAF:46) :


frĭgdă(m) > */fréɣda/ > */fréyda/ > fréide > fr froide.

Pour l'occitan, selon moi on doit envisager une palatalisation progressive de d (> /dj/) > freja.

Voir frīgĭdŭs.


Voir aussi vŏcĭtŭs (> *vŏgdŭs).




gl

gl primaire


Le groupe gl primaire a eu une descendance populaire seulement dans nĕglēctŭm, pour l'occitan comme pour le français :


nĕglēctŭm

> AO nelyt, nelch, nelg "tort, faute", d'où AO nelechs, nalechs "coupable, qui est dans son tort" ;

> a.fr. anelei "tort, faute".


On y voit que la consonne l n'a pas été palatalisée. Le g n'a laissé aucune trace en occitan comme en français ; il est donc difficile de proposer un scénario sur l'évolution de g.


Le même mot nĕglēctŭm a une descendance connue en italien dialectal : (Arcevia) neghetta "miseria estrema", dérivé neghittoso "négligé ; négligent" (FEW 7:89a). Il est remarquable qu'en Italie, ce soit la première consonne g qui soit conservée (à étudier).



gl secondaire


Dans cŏāgŭlārĕ > *cŏāglā > calhar, "cailler" etc., au contraire, pour gl secondaire, l a été palatalisé : palatalisation de cl, gl intervocaliques.





gm


Certains mots d'origine grecque contiennent gm, mais aussi certains mots latins. La consonne g devant m a évolué en /ʋ̯/, en occitan comme en français. Le phonème /ʋ̯/ s'est conservé en occitan ; en français la diphtongue qu'il formait a toujours été réduite (saume > "somme", dans "bête de somme", etc.).


Pour l'occitan et le français (IPHAF:47 pour le français) :


σάγμα (ságma) "charge, bât" > sagmă(m) > */saɣma/ > */sawma/ > */saʋ̯mə/ > fr "somme" (bête de), oc sauma "ânesse"


φλέγμα (phlégma) > phlegmă(m)  "inflammation" > */fleɣma/ > */flewma/ > */fleʋ̯mə/ a.fr. fleume (années 1256, 1510) (refait étymologiquement en "flegme"), AO flȩmma, flȩuma.


Seulement pour l'occitan :


φρἀγμα (phrágma) latinisé en *fragmă ? > frauma "Obione faux-pourpier (plante)" (FEW 8:399b).


tĕgmĭnĕ(m) > tèume "portion de tillac formant une sorte de cabane à l'avant d'un bateau non ponté", voir proparoxytons en m-n.






gn

Rarement, la consonne g a été vocalisée : Santa Agnès (S. Agnetis vers 1160) > Santa Aunès "Saint-Aunès" (34) (TGF3:1643 pour Santa Aunès : "-gn- est traité comme sagma dv sauma "bête de somme, ânesse" ").


Sinon, voir gn à "Troisièmes palatalisations".




gr

Le latin possède queques mots avec gr primaire. En occitan comme en français, le scénario est gr > ir.


Le scénario serait (pour flagrārĕ > flairar, "flairer" : pour le français : IPHAF:45, 57, 76, 80, 184) :


fragrārĕ "exhaler une odeur (suave)" > *flagrārĕ > */flaɣrré/ > */flayrré/ > flairar, fr flairer.



agrŭm "champ" > AO aire "champ ; nid, aire d'oiseau".

fragrārĕ > *flagrārĕ "exhaler une odeur (suave)" > AO flairar "flairer"

ĭntĕgrŭmAO entieir ; "entier" (voir ĭntĕgrŭm à "Diphtongaison conditionnée")

nĭgrŭm > AO ngre, nr, nier "noir".




m + consonne

mb



Il existe une assimilation progressive ancienne mb > *mm, puis > m par dégémination, affectant l'espagnol, le gascon, une partie du languedocien (voir TDF paloumbo / paloumo, espagnol paloma, de lat palumba), et également en Italie : (GSLID1:359, §254) .



lumbus > esp. lomo ;

novembrem > *novemme> gascon noubéme

palumbam > paloumbo / paloumo, espagnol paloma ;

plumbum > esp. plomo, ambos > ancien esp. amos, esp. mod. ambos.



Dans GIPPM-2 il n'existe pas de mention de cette assimilation.





n + consonne


nd

En général, nd est conservé :

ĭndĭgnārī > oc endenhar, fr indigner ;

mĕndīcārĕ > oc mendigar, fr mendier ;

ŭndăm > oc onda, fr onde ;

vĭndēmĭăm > AO vendẹmia, vendẹmnha, vendẹnha "vendange".



Cependant, quelques cas montrent une assimilation progressive de d à n :

- Vindasca, Vindausca (IVe siècle) > Venasca "Venasque" (84) (Venasca, CM.S4-7:602 archive.org). De même, *vĭndascīnŭm > venaissin, voir -sci-.

- ĭnfŭndĭbŭlŭm > AO enfonilh, efonilh "grand entonnoir", OM enfonilh à l'ouest du Rhône (voir TDF), Vel enfonhilh (avec [ñ]).

- prēndĭs > prenes "(tu) prends"  ; mais le paradigme de prendre serait influencé par pren "(il) prend" selon GIPPM-2:217.

- Voir aussi la discussion à l'étymologie de anar "aller", it andare (< *ambĭtārĕ ?)


Je me demande si une tendance ne s'est pas dessinée dans le cas de nd + i, tendance qui s'apparenterait à nd + ĭ en hiatus, dans les cas ĭnfŭndĭbŭlŭm, prēndĭs, où l'on obtient des variantes en n et nh.


On connaît aussi l'évolution inverse : nn > nd (ci-dessous).






p + consonne



ps



hapsŭ(m) > aus "toison"

capsă(m) > caissa

capsŭ(m) > cais "mâchoire"

capsŭlă(m) > caussula

exlapsŭ(m) > a.lim. eslaus "ouverture par laquelle s'échappe le trop plein d'un étang" (FEW 5:177b).

ĭpsŭ(m) > AO ẹis, ẹps, ẹus, ẹs...



pt


Typiquement, on aurait : pt > tt > t : sĕptĕm > sèt "sept" (GIPPM-2:165). Le groupe pt rejoint le groupe bt : sŭbtŭs > sota "sous".


*accaptāre (< ad + căptāre ou < acceptāre) > acaptar "se procurer ; acheter..."


aptŭm "approprié, adapté" > AO at "besoin, profit", a.frpr. ait "bien né" (GirRouss in FEW 25:62a)


captarea.lyon. chattar (FEW 25:62a)


captīvŭ(m) "prisonnier..." > AO cautieu, caitieu, catieu "captif ; aussi "chétif", Roland caitif ; à étudier : captīvŭm  aurait évolué en *cactīvŭs (FEW 2:332a,b, CNRTL "chétif"), peut-être croisé avec gaul *cactos "serviteur".


ădaptŭ(m) (attesté au VIIe siècle) > asaut, asautar... adaut, adautar...


rŭptŭ(m) "rompu" > rot, rŭptă > rota







s + consonne



sn

Voir S-N à "évolution des proparoxytons".


ăsĭnŭm > (sud-ouest) aine "âne"




t + consonne



tr

patrem > paire

matrem > maire

fratrem > fraire

petram > pèira

potrire > poirir




IV. ct, gd
 

Je réunis dans le même paragraphe l'évolution de ct et gd secondaire (g'd) car leurs aboutissements sont les mêmes : dīrēctŭ(m), -a(m) > drech



ctĭ, ctĕ + voyelle (făctĭōnĕm)

Voir ctĭ, ctĕ + voyelle (făctĭōnĕm > façon, faiçon).




A. Les aboutissements occitans du latin /kt/



ct intervocalique (dīrēctŭs...)



Pour /kt/ latin, on peut distinguer trois aboutissements occitans principaux : it, ch, ich (GIPPM-2:171-186). Le type ich me semble peu caractérisé (voir 3 ci-dessous). Par ailleurs il existe un type


Voir notamment :

dīrēctăm > dreita, drecha, dreicha "droite", carte 0427 de l'ALF.

strĭctăm > estreita, estrecha, estreicha, carte 0524 de l'ALF.


(GIPPM-2:173 cite ces deux cartes de l'ALF).


Schéma général (après voyelle tonique ou atone) :


-ct- latin    > /yt/ (oc dreita) (1)
> /yt/, /y/ en fin de mot

 (dīrēctăm)

  > /tʃ/ ou /ts/  (oc drecha) (2)
> /tʃ/, /ts/, en fin de mot

  > /ytʃ/ ou /yts/ (oc dreicha) (3)
> , en fin de mot



(1) Pour le type dreita, on perçoit immédiatement le rapprochement avec le français "droite" (a.fr. dreite ; puis éi̯ > ói̯)

(2) Pour le type drecha, on perçoit immediatement le rapprochement avec l'espagnol derecha.

(3) Le type dreicha est certes nettement représenté dans la carte ALF "droite", mais ce type (-ich-) est moins net pour la carte ALF "étroite" et il ne peut pas être repéré dans la carte ALF 746 "lait" (< lactĕm), en partie en raison de l'absence de voyelle finale.


Pour les détails de l'évolution phonétique, voir ci-dessous.



lactĕ(m) > AO lach, lag, lait, layt "lait"

lactūcă(m) > AO lachuga, laytuga "peinture"

trŭctă(m) > AO trcha, trchia, tritag trucha "truite"



nct (sanctŭs...)


Voir ctNSP, GIPPM-2:179-181 (étude peu claire), IPHAF:74, 136.


Schéma général (après voyelle tonique ou atone) :


-nct- latin    > AO /ñt/ > /nt/   (oc ponta)     >

(pŭnctăm)

  > /ntʃ/ ou /nts/  (oc poncha) (1)


(1) La variante pointa est donnée en (d) par le TDF ; à mon avis on a affaire à un i diphtongal de type français devant /ñ/ implosif.




Pour étudier les descendants des mots latins en -nct-, hélas on ne dispose pas de carte de l'ALF pour les descendants de pŭnctă "pointe", tĭnctă "teinte"... Une carte de sanctă "sainte" aurait été peu utile car le mot a très généralement été refait en santa (ci-dessous).


Mais l'étude des toponymes en Sanch (ci-dessous) permet de constater une assez bonne correspondance géographique entre "la zone drecha" (ALF carte 0427) et "la zone Sanch". Cela permet de supposer que l'évolution de -nct- suit le même processus pour que -ct-.


Voici quelques exemples montrant les différents aboutissement AO de -nct- :


*complanctă(m) > AO complancha, complansa (peut-être pour /kó̃plãtsa/), complanta, complainta "complainte"

jŭnctă(m) > AO jncha, jnta, junta "jointe"

*pĭnctūrăm (< pĭctūrăm) > AO penchura, peintura, pintura "peinture"

pŭnctă(m) > AO pncha, ponchia, punta "pointe"

pŭnctŭ(m) > AO pnch, pong, pnh, punt, poynh, point, puint  "point"

sanctŭ(m) > AO sant, san, sanh, sayn, sanht, saint... (et les f.dial. en e : senh...), sanch (type Sanch Amans...) "saint"

tĭnctă(m) > AO tencha, tenta, tincha "teinte"

ŭnctŭ(m) > AO onh "matière onctueuse", onhz (au cas sujet, ci-dessous GIPPM-2:180-181), onch (voir onchar "oindre")




Proclises sanctu > santu, sanch > san

GIPPM-2:180 (r.g.f.d.a.) "Hors certains noms de lieu, le continuateur de sanctu, -a a partout -nt, -nto ~ -a ~ -e [...], ce qui peut être dû à la fréquence d'un débit rapide en mi-proclise latine, san(c)tu, ou en proclise romane devant consonne, exemple san(ch) C-, et encore à l'influence du français, d'ailleurs le lien entre sanctu et sancīre [consacrer ; interdire], non continué en roman, est beaucoup plus lâche qu'entre junctu ["joint"], etc... et jungere ["joindre"], etc... Sanch n'est conservé que dans des noms de lieu mécoupés comme Saint-Chamas sur l'étang de Berre [...]".


GIPPM-2:180-181 (r.g.f.d.a.s.p.) "On rencontre en v.pr. sant, sanch (surtout devant voyelle dans les noms de lieu), saint et aussi sainht, sanht qui, comme onht < unctu dans le DonPr, peuvent noter quelque chose comme [ñt'] ou [ñtʃ] [...] Un traitement [ñ] < nct n'est attesté, à ma connaissance, dans aucun parler moderne : nh dans les manuscrits médiévaux peut noter [ntʃ] ou [ñtʃ] comme h note parfois [tʃ] ; le passage des LeysAm (II, 208) est fort obscur ; un examen attentif des vers me semble uniquement montrer que la répétition des rimes dans chaque strophe d'une pièce un peu longue oblige parfois les troubadours même les plus soigneux à mélanger des variantes dialectales qui offrent des divergences choquantes [...] ; je n'ai trouvé aucun exemple de nh < nct en rime avec un nh qu'on soit absolument obligé d'interpréter par [ñ]. Le DonPr (p. 55) tient pour rimant ensemble notamment onhz < unctus ["oint"], onhz < unguis ["ongle"], ponhz < pugnus ["poing"] et conhz < cuneus ["coin à fendre ou à caler"] : on peut admettre qu'au XIIIe siècle [-ñts] < [-ñk't's] < -nct's a été rejoint par [-ñts] différenciation de [-ñs] [< unguis, pugnus, cuneus]"








Sanctŭs, Sanctă + voyelle > Sanch...

Notamment dans les toponymes issus de Sanctŭs, Sanctă + nom de saint(e) commençant par une voyelle, on a souvent obtenu la forme régulière Sanch(a) + nom du saint, ce qui a entraîné une mécoupure de type Sanch Amans > Sant Chamans.


Dans ces cas, la mécoupure est ancienne et déjà fréquente en occitan, c'est-à-dire que le nom originel du saint n'a plus été reconnu déjà à une époque ancienne : Sanch Amans a été perçu comme Sant Chamans.


Voir Sancti Chalumundi (année 1247) pour "Saint-Chamond" (42) (voir ci-dessous dans le tableau Sanctŭs Annemŭndŭs).


Saint Chélir (1230-1231) pour Saint-Chély-d'Apcher (48) (voir ci-dessous dans le tableau Sanctŭs Hĭlărĭŭs)


HLPA:45 : "Ainsi, sanctus Amantus (nom d'une chapelle et d'un quartier suburbain) était devenu sanct Aman et sanch Aman. Le vulgaire a transposé le ch et en a fait san Chaman, forme qui est restée, et c'est sous ce vocable qu'est connu actuellement ce quartier."


De très nombreux autres Sanctŭs + nom de saint commençant par une voyelle ont donné Sant... Les Sant Amans, Sant Andrieu, Sant Ilari... sont légion. En voici l'explication :


- certaines de ces formes sont susceptibles d'avoir été "rectifiées" en redonnant le bon nom du saint précédé de Sant (les formes anciennes écrites sont à rechercher au cas par cas ; on peut trouver des formes en Sanch) ;


- surtout, le toponyme se trouve dans la zone dreita et non drecha de la carte 0427 de l'ALF. Une rapide analyse montre une assez bonne coïncidence de la "zone drecha" avec la "zone Sanch" (voir ces toponymes dans le tableau ci-dessous). De l'est vers l'ouest, les départements contenant un ou des toponymes en Sanch sont : 1384, 3048, 34, 12, 15, 19, 46241633 ; ils correspondent (parfois marginalement) aux zones actuelles où l'on dit drecha ou dreicha pour "droite". Par ailleurs en francoprovençal, un toponyme en Sanch (Saint-Chamond, 42) est peu éloigné d'une commune du Rhône où l'on dit [drètʃi] pour "droite". Par contre, dans les départements plus orientaux (26, 04, 05, 83, 06), les toponymes en Sanch manquent alors qu'on est la la zone drecha. Il faut en rechercher l'explication (à faire).


Je donne ci-dessous les cas où la forme régulière Sanch(a) entraîne la mécoupure. De nombeux cas sont tirés de ctNSP.



latin LPC

occitan

français

Sanctŭm / -ăm V-


Sanch V- 

(perçu comme Sant Ch..., Sant S...) (1)


(souvent) Saint-Ch...
Saint-S...






Sanctă(m) Agathă(m)
(Sancha Ata) Sant Chate (30)
Saint-Chaptes (30)
Sanctŭ(m) Albīnŭ(m)
Sanch Albin (24)
Saint-Aubin-de-Lanquais
(24)





Sanctŭ(m) Amandŭ(m) (1)
Sanch Amant (24)
Saint-Amand de Coly (24)





Sanctŭ(m) Amantĭŭ(m) (et Amāsĭŭm?) (2)


Sanch Amàs (13)

Saint-Chamas (13)


Sanch Amans
(84, quartier d'Avignon)


Saint-Chamand (84)


Sanch Amans (15)


Saint-Chamant (15)


Sanch Amans (19)


Saint-Chamant (19)



Saint-Chamand (63, comm. de St-Julien-de-Coppel)



Saint-Chamand (63, comm. de Busséol)






Sanctŭ(m) Amarandŭ(m)
Sanch Amarant (46)
Saint-Chamarand (46)
Sanctŭ(m) Andreŭ(m) (3)

Sanch Andreu (3)

Saint-André (3)
Sanctŭ(m) Anĭānŭ(m)

Sanch Inhan (34) (4)
Saint-Chinian (34)

Sanch Inhe (4)
Saint-Chignes (46, comm. de Gramat)

Sanch Inhe (4)
Saint-Chigne (46, comm. de Saignes)






Sanctŭ(m) Annemŭndŭ(m)
(5)

Sanch Amont (42)
Saint-Chamond (42)
Sanctŭ(m) Arĕdĭŭ(m) ou Arĭgĭŭ(m)

*Sanch Eriés > Sant Seriés (34) (1)
Saint-Sériès (34)
Sanctŭ(m) Astĕrĭŭ(m)
Sanch Astier (24)
Saint-Astier (24)





Sanctŭ(m) Ăvītŭ(m) (6)
Sanch Abit (24)
Saint-Chabit (24 commune de St-Sernin-de-Reillac)

Sanch Avit (24)
Saint-Avit-de-Vialard (24)

Sanch Avit (24)
Saint-Chavit (24 commune de Saint-Pierre-de-Côle)






Sanctŭ(m) Ēlĭgĭŭ(m) (7)
Sanch Èli (12) (7)
Saint-Chély-d'Aubrac (12)





Sanctŭ(m) Eparchĭŭ(m)

*Sanch Ibars > Sant Cibars (24) (1)
Saint-Cybard (24, comm. de Mouleydier)

*Sanch Ibars > Sant Cibars (33) (1)
Saint-Cibard (33)

*Sanch Ibars (16) (1)
Saint-Cybard (16)

*Sanch Ibars d'Euse (16) (1)
Saint-Cybardeaux (16)

Sanch Ibars (19) (1)

Saint-Ybard (19)
Sanctŭ(m) Eumachĭŭ(m)

Sanch Amaci (24)
Saint-Chamassy (24)





Sanctŭ(m) Hĭlărĭŭ(m) (7)
Sanch Éler (Sanch Ílir) (48) (7)

Saint-Chély-d'Apcher (48)

Sanch Éler (48) (7)

Saint-Chély-du-Tarn (48)






Sanctŭ(m) Hippŏly̆tŭ(m)

Sanch Apòlit (13, quartier d'Aix-en-Provence)
Saint-Hippolyte (13)










Tableau ci-dessus : conservation de Sanch dans les noms de lieu mécoupés.


(1) Dans les régions où ch est réalisé [ts], on a perçu Sant S... (Sant Cibars, Sant Sériés...). Dans ces derniers toponymes, l'absence d'uniformité orthographique provient d'habitudes ; la logique exigerait plutôt Sant C... (Sant Ceriés). Remarque : le -s dans Sant Cibars, est attesté en AO ("Ibarc"), Wikipédia donne Sanch Ibarch (19), à étudier (c + ĭ en hiatus).


(2) Plusieurs noms de saints ont pu se confondre dès le Moyen Âge, et la situation est confuse : sanctŭs Amantĭŭs, sanctŭs Amāsĭŭs (SDBDR2:930 : pour "Saint-Chamas", année 1328 : "Amantius paraît être mis pour Amasius, évêque d'Avignon", mais TGF3:1612 : année 969 : S. Amantium). Il existe aussi sanctŭs Amandŭs et sanctŭs Amandĭŭs. En toute logique, Amantĭŭm donnerait Amanç ; Amāsĭŭm donnerait Amais ; Amandŭm donnerait Amant ; Amandĭŭm donnerait Amang (graphie médiévale avec valeur d'Amanch). Pour les deux derniers, voir par exemple la discussion à Saint-Amant-de Montmoreau.


(3) Pour Sanctŭ(m) Andreŭ(m) > Sanch Andreu, ma source est GIPPM-2:180 : Sen Chandreu, "périgourdin en 1247".


(4) Pour Sanctŭs Anĭānŭs, voir notamment ctNSP:607. Pour le i dans Sanch Inhan, voir type Montānĭācŭm > Montinhac. Sanch Inhe correspond à "Saint-Igne" du Tarn-et-Garonne ; ce serait le même saint qu'Agnan ou Aignan ? À éclaircir.


(5) Voir Annemŭndŭm > Aunemŭndŭm.


(6) Pour Sanctŭs Ăvītŭs : ctNSP:607. Les autres "Saint-Chavit" du sud-ouest de la France ont probablement la même origine.


(7) Pour Sanctŭm Ēlĭgĭŭm "Saint Éloi", dès 1266 il y a confusion entre le nom de cette commune (12) avec Sanctŭm Hĭlărĭŭm "Saint Hilaire" (TGF3:1612 : S. Yleri). Sanch Éler semble partout prononcé /sãtʃili/.





latin LPC


occitan


français

Sanctă(m) V-


Sancha V- 

(perçu comme Sant Ch... : changement de genre !)


(souvent) Saint-Ch...






Sanctă(m) Agăthă(m)

Sancha Ata > Sant Chate (30)
Saint-Chaptes (30)





Tableau ci-dessus : conservation de Sancha dans les noms de lieu mécoupés.




Cas Sant Chier, Sant Chafre

Anthoine Thomas (EPF:136-139) fait remonter Sant Chier (actuellement Saint-Chef, 38) à Sanctus Theuderius, nom du fondateur de l'abbaye de Saint-Chef, avec une transformation irrégulière, "de quelque façon qu'on explique la production de ch". En effet, il me semble que deux voies sont envisageables : haplologie sanctu(m) Theuderiu(m) > *sancteuderiu, ou amuïssement de -t- intervocalique en position syntactique : sanctu(m) Theuderiu(m) > *sanctu deuderiu > *sanctu euderiu. De même, l'auteur donne sanctus Theofredus > Sant Chafre "Saint-Chaffre" (43).




B. Évolution phonétique du latin /kt/



1. Évolution /kt/ > /yt/



Selon F. de La Chaussée (IPHAF:46) :

 "En Gaule et dans la Romania occidentale, entre la fin du IIIe siècle et le début du IVe siècle, l'occlusive implosive dorso-vélaire (préconsonantique) subit un affaiblissement sans doute favorisé par le substrat celtique ; la sourde k devient la spirante dorso-vélaire sourde χ ; parallèlement, la sonore g devient la spirante dorso-vélaire sonore ɣ. Puis, avançant leur lieu d'articulation au contact d'une consonne antérieure, χ > ç (yod sourd) et ɣ > y. Finalement, ç rejoint y par la sonorisation due à la voyelle précédente. Cette évolution est indépendante de la place par rapport à l'accent (...)."


Toujours selon F. de La Chaussée, comme il n'y a qu'un déplacement horizontal de la langue, vers l'avant : k > χ, g > ɣ, on a affaire à une fausse palatalisation.


Exemples (IPHAF:46) : 


factŭ(m) > *faχ> *faç> *faytʋ > (en Provence) fach /fatʃ/ > /fa/ "fait"


Pour /ks/ (x) (ci-dessous) :

laxāre /laksaré/ > *laχsare > *laçsare > *laysare > laissar "laisser"

ŭxōrĕm > AO oisọr "femme, épouse"




2. Évolution /kt/ > (i)ch


a. Deux scénarios pour /kt/ > ch


α. Scénario /kt/ > /yt/  ou  /kt/ > ch

(GIPPM-2:176)

"ct devient donc un groupe de consonnes mouillées, donc mal occludées, à points d'articulation rapprochés. Les résultats attendus d'un procès de fixation sont en première ligne it (différenciation d'aperture et de mouillure en conservant à peu près les points d'articulation primitifs) et ch (fusion en un seul phonème à point d'articulation moyen [...])."


On peut résumer ainsi la pensée de Jules Ronjat : /kt/ peut évoluer soit en /yt/, soit en /tʃ/.


On voit que J. Ronjat ne donne qu'une explication vague notamment pour /kt/ > ch. Je propose un détail de cette évolution ci-dessous.


β. Scénario /kt/ > /yt/ > ch

Selon certains linguistes, les formes en ch /tʃ/ ou /ts/ sont issues des formes en /yt/ ci-dessus.


Pour l'occitan : sources à chercher.

Pour l'espagnol : les formes espagnoles en ch < ct montrent les mêmes aboutissement que les formes occitanes en ch < ct : oc nuech / esp noche "nuit", oc drecha / esp derecha "droite", oc estrecha / esp estrecha "étroite", etc. Les deux idiomes ont également nct > nch : AO sanchAE sancho (voir ci-dessous).


Voici par exemple les explications de RLHI pour l'espagnol (l'auteur reste vague sur /kt/ > ch ; il développe surtout le blocage de la diphtongaison romane, mais noter la chronologie /kt/ > /yt/ > ch) :


RLHI:83-84 :

(trad.angl., s.p.s.) "(...) les groupes [kt], [kl], [ks], [lt], au cours de leur palatalisation, génèrent un [y] dans la syllabe accentuée qui précède, créant une diphtongue secondaire. Notez que dans le groupe [pĕctu, lĕctu, spĕculu > pecho, lecho espejo], où la voyelle accentuée vient du roman [è], la diphtongaison primaire [è] > [yé] est bloquée. [...]

Les voyelles simples proviennent des diphtongues secondaires comme on l'a vu juste ci-dessus, avec [éy], [èy], [ay] évoluant en [é], [é], [é]. Les évolutions typiques sont :


strĭctu "étroit" > [estrekto] > [estréyto] > [estrétʃo] estrecho

pĕctu "poitrine" > [pèkto] > [pèyto] > [pétʃo] pecho

lacte "lait" > [lakté] > [layté] > [létʃé] leche


Les voyelles postérieures, lorsqu'elles sont combinées avec [y] d'origine consonantique, donnent des diphtongues secondaires qui se réduisent comme on a montré ici : [óy] > [ʋ], [òy] > [ó]. Notez qu'à nouveau, dans le groupe [ŏcto, nŏcte, ŏculu > ocho, noche, ojo], la diphtongaison primaire [ò] > [wé] est bloquée. [...] Les évolutions typiques sont :


mŭltu "beaucoup" > [móltó] > [móytó] > [mʋyto] > [mʋtʃo] mucho

nŏcte "nuit" > [nokté] > [nòyté] > [nòtʃé] noche


De toute évidence l'évolution [óy] > [ʋ] se fit par une étape intermédiaire [ʋy]. L'étape [mʋyto] menant à [mʋtʃo] est évidente dans la forme apocopée (tronquée) muy "très" (et voir le portugais muito)."


Pour sanctum > fr "saint" : IPHAF:74 donne : *sanytu > *saintu (mais comment concevoir *sanytu avec [y] intercalé entre n [ŋ] et t ?)


Henri Gavel (EEPC:17-19) donne deux scénarios possibles pour l'espagnol, tous deux plaçant l'aboutissement ch comme résultant du premier aboutissement it. Voici ces deux scénarios pour lactem "lait", avec de plus la mention a > e (lactem > leche) ; il emploie qu'il appelle "i consonne" (ce serait donc plutôt y et non ).


Première hypothèse de H. Gavel :

lactem > *laite > *leite > (métathèse it > ti) *letie > leche ("on serait passé aux formes actuelles par un simple changement du groupe t + i̯ en t + chuintante").

Seconde hypothèse de H. Gavel :

lactem > *laite > (mouillure du t par ) *laiche > *leiche > leche ;

ou lactem > *laite > *leite >  (mouillure du t par ) *leiche > leche).

H. Gavel estime que la seconde hypothèse est plus vraisemblable, et signale que c'est celle adoptée par R. Menéndez-Pidal.


É. Bourciez (EEPC-cr:382) estime que H. Gavel aurait dû supprimer les "singulières hypothèses de la p. 17 sur l'évolution du groupe ct" ; il doit faire allusion à la première hypothèse ci-dessus, en effet développée à la p. 17 (mais je ne vois qu'une et non des hypothèses), et il ne se justifie pas. En tout cas, je reprends l'idée d'une métathèse juste ci-dessous (mais sans passer par un stade /yt/).






b. Préférence pour le premier scénario : /kt/ > /yt/ ou /kt/ > ch


Je propose une explication détaillée dans le cadre du premier scénario ci-dessus, avec deux voies parallèles (non successives). Pour "la voie 2", j'estime qu'il y a eu une métathèse dans le "domaine occitan drecha" et dans le domaine castillan :


voie 2 : /kt/ > /χt/ > /çt/ > (métathèse) /tç/ > /tʃ/


Arguments :

- Dans ct, la consonne t est en position forte ; phonétiquement, elle est difficile à faire évoluer (cela dit, une telle consonne peut subir l'influence de la consonne précédente dans certains cas) ;

- Les palatalisations de ke, ki, puis ka, ont existé même en position forte, mais avec l'influence de e et i (puis a) subséquents.

- Cette métathèse a dû être favorisée par l'existence de nombreuses affriquées dès les IIe et IIIe siècle, voir les aboutissements de : ky, ty, ke, ki, ge, gi en position forte, ce, ci en position faible. Donc les locuteurs auraient eu l'impression de prononcer des affriquées "à l'envers" (/çt/ ou peut-être /ʃt/ au lieu de /tç/ ou /tʃ/), et un nivellement serait apparu en prononçant /tʃ/ dans tous les cas.

- Cette métathèse est à rapprocher de */fréjda/ > /frédja/.


- Mots occitan en voyelle-it- sans qu'il n'existe de variante en -ch- : (en dehors des cas comme boita < en fait boista, etc., de variantes uniques de ct comme fuita, apeitar < expectare) :

coitivar (< cultivare)

suita, persuita



PRONONCIATION de -ct- :

*wahta > gaitar / gachar "guetter".


Ainsi (proposition personnelle) :


/kt/ > */χt/ > */çt/  > (voie 1 : vocalisation) /yt/

 (dīrēctăm)                

 > (voie 2 : métathèse) */tç/ > /tʃ/




De même pour le cas -nct- (type sanctŭs) (proposition personnelle) :


/ŋkt/ > /ŋχt/ > /ŋçt/  > (voie 1 : palatalisation de n) /ñt/


 > (voie 2 : métathèse) /ŋtç/ > /ŋtʃ/










V. muta cum liquida (occlusive + r ou l)
  

(Voir notamment SSMML et ÉGCOL, le second article va plus loin dans les conclusions).

(PHL4:172, Remarque).


L'expression muta cum liquida provient des grammariens latins qui étudiaient la prosodie, voir ci-dessous la citation de Donat. Elle est elle-même reprise du grec (références). Elle signifie à peu près "occlusive + liquide ", par exemple dans căpră, căthĕdră, dŭplŭs, pătrĕm ; on peut y rajouter les groupes fl, fr : SSMML, ÉGCOL utilisent "obstruante + liquide ". Les mêmes grammairiens latins employaient aussi communes (commūnēs) pour nommer la syllabe qui précède (le groupe muta cum liquida est intervocalique à l'origine, puisqu'il est défini par rapport à la syllabe précédente dans un même mot). L'appellation commūnēs traduit bien l'ambiguïté de ces groupes consonantiques, c'est-à-dire qu'ils peuvent tantôt être considérés comme hétérosyllabiques, tantôt comme homosyllabiques. (Voir l'explication ci-dessous à la même citation de Donat).


L'ambiguïté ainsi décrite par les auteurs antiques a induit en erreur les linguistes contemporains, selon ÉGCOL : les auteurs antiques ont décrit un système adadémique, artificiel, mais qui ne correspondait pas au latin parlé, qui considérait toujours les muta cum liquida comme hétérosyllabiques. C'est ce latin parlé qui s'est perpétué jusqu'aux langues romanes actuelles.



Dans une première approche, on peut dire que les muta cum liquida sont des groupes de deux consonnes capables de former une attaque. Cela signifie que dans la syllabation, ces groupes s'intègrent naturellement en début de syllabe : une syllabe, ou même un mot, peuvent commencer par une muta cum liquida. Par exemple : tr dans "entrer" (en-trer), dans "traîner" (traî-ner).


Cette particularité des muta cum liquida existe dans de nombreuses langues (réféfences ?). Elle repose sur le principe de sonorité pour la structure des syllabes, et sur l'échelle de sonorité.





Les muta cum liquida dans la prosodie latine
  

La notion de muta cum liquida a d'abord été développée dans la prosodie latine, elle-même sans doute dérivée de la même notion grecque (OCSOIL:49 note 3).


La métrique exigeait qu'on distingât les syllabes longues et brèves (ou mieux : lourdes et légères). Les grammairiens latins considéraient une troisième catégorie : les commūnēs, elles étaient "communes" à la classe des longues et à la classe des brèves. Selon les besoins du poète, la syllabation pouvait varier pour qu'une commūnĭs soit lourde ou légère.


Par exemple le vers ci-dessous montre que vŏlŭcrĭs "oiseau" a une deuxième syllabe légère à la première occurrence, et lourde à la deuxième (vŏ-lŭ-crī puis vŏ-lŭc-rĭs), voir hexamètre dactylique.


(PHL4:174, ÉGCOL:306)

et primo similis volucri, mox vera volucris :


et  prī | mō  sĭmĭ | lĭs  vŏlŭ | crī, mox | vēră  vŏ | lŭcrĭs

          |       ͜    ͜    |      ͜    ͜   |               |       ͜     ͜   |           


"et d'abord semblable à un oiseau, puis un véritable oiseau"

(Ovide, Les Métamophoses, 13, 607)

 


Pour le grec, les muta cum liquida sont : t, d, th, k, g, kh, p, b, ph suivis de l ou r (AQSLM:16). Par exemple tr dans πολύτροπος (polutropos) "qui erre çà et là", avec uspilon bref. La prosodie grecque montre les syllabations : po-lu-tro-pos ou bien po-lut-ro-pos "selon les besoins du mètre".




Attestations antiques


Selon OCSOIL:48, le passage ci-dessous est le locus classicus du concept traditionnel de muta cum liquida.

Donat, Ars major p. 606, l. 7

Sunt etiam syllabae, quæ communes dicuntur, cum aut correptam vocalem duæ consonantes secuntur, quarum prior aut muta quæpiam est aut f semivocalis et sequens liquida; aut...

"Il y a aussi les syllabes nommées communes [ambivalentes : parfois lourdes, parfois légères], composées soit d'une voyelle brève suivie de deux consonnes dont la première est en quelque sorte muette (muta, c'est-à-dire occlusive), ou bien la semivocalis f, et la seconde une liquide, soit..."

Vers les mêmes années, Aphthonius, Charisius, puis Diomède développent aussi ce concept (leurs passages mériteraient d'être traduits et étudiés ici).

Concernant la consonne f, il faut ainsi remarquer que les grammairiens comme Donat étaient conscients que cette lettre joue le même rôle que des muta (occlusive).







Voir aussi combinée, groupe combiné.


Il s'agit de :


bl, br

cl, cr, 

dr,

fl, fr,

gl, gr,

pl, pr,

tr







Cas tl et dl

 

Deux combinaisons ne sont pas tolérées en latin : tl et dl. Lorsque ces combinaisons parviennent dans la langue latine, soit par emprunt, soit par syncope, elle évoluent respectivement vers cl et nl.


(TP:320) :

"Ainsi les groupes tl et dl sont inconnus et impossibles dans la plupart des langues romanes et l'étaient déjà en latin vulgaire (cf. fr. épingle de *épindle, lat. vulg. ueclus de uet(u)lus)."


En ancien occitan, dl n'est pas connu, mais tl est bien attesté à l'écrit. La prononciation était probablement bien [tl] (à étudier). Voir les mots empruntés au grec, qu'on prononce naturellement en français : athlète, atlas, et aussi avec les syncopes : att'ler, pat'lin, pot'lé.


batlegua (var banlega "banlieue")

brutle "bruit"

butlada "les boyaux" (du latin bŏtellus ou bŏtŭlŭs "boyau")

crotlar "branler, trembler ; crouler" (de *crŏtălāre "secouer", ou moins probablement de *corrŏtŭlāre : CNRTL "crouler")

crǫtle "tremblement de terre" (< crŏtălŭm "castagnette" ?)

espatla "épaule" (var espala, de spăthŭlăm "spatule ; omoplate")

espitlǫri, pitloric (var espilǫri ; de pīlă "pilier, colonne", déformé en oc : FEW 8:479a)

rotlar, rutlar "rouler" (var rolar, roclar < *rŏtŭlā ou *rŏtĕllā)

rǫtle "rôle" (var rǫle, rǫcle, rǫgle, rutle < rŏtŭlŭm) "petite roue" → "rouleau, parchemin roulé)

rutlọṉ " (var rolọṉ, "rouleau" de drap)..."

sotlar "soulier" (< sŭbtĕlārĕm).






Cas vl et vr


Le phonème [v] n'existait pas en latin classique. Voir le V latin à nature du waw ; voir l'apparition du phonème [v] à convergence de b, v, f invervocaliques. Au cours de l'évolution du latin vers les langues romanes, vl et vr ont été susceptibles d'apparaître dans d'assez nombreux mots.



Groupe vl

On ne connaît aucun mot en AO ni en a.fr. contenant le groupe consonantique vl. Cependant dans le domaine d'oïl, tavle "table" a existé dans le dialecte du Ponthieu dans la Somme.



Groupe vr

Le groupe consonantique vr est naturel en français : "chèvre", "lèvre", "sevrer", "vivre"...


Il faut noter que vr a bien une nature de muta cum liquida en Gaule du nord puisqu'il ne fait pas entrave :

fĕbrĕm > fièvre, lĕpŏrĕm > lièvre

caprăm > a.fr. chièvre (> "chèvre"), labrăm > "lèvre", voir diphtongaison française de a.

bĭbĕrĕ > a.fr. boivre (> "boire"), voir diphtongaison française de é.


En AO, vr existe mais il semble marginal. L'évolution phonétique typique de l'occitan suit les schémas : 


pr > br (caprăm > cabra) ;

v'r > ur (vīvĕrĕ > viure) ;

br > ur (lībrăm > liura).







Évolution phonétique des muta cum liquida

 

En chantier.


(Venasca:166) : "De toute façon, la coupe syllabique varie dans une même langue selon le temps, ainsi il est admis que le latin coupait jadis pat-rem [...]"


L'évolution des muta cum liquida est aussi abordée dans d'autres parties (cliquer sur les liens).


br
cr
dr
gr
pr
tr
bl
cl
dl (1)
gl
pl
tl (1)

(1) dl et tl ne sont pas tolérés en latin, mais ils peuvent apparaître soit par syncope, soit par emprunt.






Évolution de la syllabation et de l'accent tonique (mots avec muta cum liquida)

Selon (TMCL.) (SSMML.)


cathedram > *catédra ? > cadiera "chaise" ;

(de même intĕgrŭm > entier, tonitrum > tonerre...) ;





Effet facilitateur sur les syncopes

(leporem > lèbre "lièvre")

Voir aussi la syncope "tardive" spīrĭtŭs > esprit.




Métathèse de type comprar > crompar


(Voir SSMML)

Ce type de métathèse est fréquent.

(GIPPM-2:407 : "Les tendances notées § 441 font de toute l'Aquitaine un pays d'élection pour les métatèses de liquides.")


Schéma général :


M1    M2L    >    M1L    M2



Exemples :


baccla > blacca

bafrar > brafar

gaulois bistlos "bile" > bescle "rate" > prov. actuel blesque, blesquin (FEW)

buccula > buccla > bloca, bloquier (bouclier)

cambra > cramba "chambre" (dans une quinzaine de départements du sud-ouest de la France)

cancrem > cranc

capra > craba (gascon, languedocien, béarnais)

castrare > crestar

comprare > crompar

cŏnflāre > coflar / clofar, gonflar / glonfar "gonfler"

cŏntrā > (gascon) cronta

cooperire > crobir, cobrir, curbir ; cooperculum > crubecel

corbem : gorbin > grobin (dauphinois : TDF)

fēmĭnăm > *femra > frema

fimbria > latin *frimbia > frẹmja "frange"

Gabrĭēl (DFL, hébraïque) > Grabieu

paupĕrĕm / paupĕrŭm > paupre > paubre > praube "pauvre" (sud-ouest) (paupĕr)

(rĕ)cŭpĕrārĕ : cobrar, crobar (ǫ), crubar

tabir ou tabur ou tubul > AO trempe "tambour"

tĕmpĕrārĕ > temprar > trempar "tremper"

tigra >  AO triga "tigresse"

tufera > trufa (trufar > it. truffare (Treccani))



Métathèse de type corpatàs > cropatàs


Schéma général :


M    L-C    >    M-L    C




Exemples :


berbīcĕ(m) (< vervīcĕm) > fr "brebis" (voir verbice > berbice)

burliera > bruliera (voir burliera)

corpatas > cropatas

(claustrum > claustra, crausta : ?)

fĭrmārĕ > fermar, fremar

formātĭcŭm (caseum) > fromatge "fromage"

pulvis > pọlvera, pọrba, prọba

thyrsus > torç, troç

tŭrbare > (AO) torbar, trobar "troubler"

tŭrbŭlare > (AO) troblar, treblar, trebolar "troubler"


Processus phonétique


Le processus phonétique est signalé :

(ÉDAF:455) "Les propriétés perceptuelles et articulatoires de la rhotique interagissent pour la rendre susceptible à des métathèses (par exemple formage > fromage ; berbis > brebis, surtout dans les syllabes non accentuées [...]".



Le r parasite, etc.

brittisca (bretèche, échaffaudage) > bertresca

carta > cartra

tarta > tartra (AO)

*termitem > tèrtre





Comportement des muta cum liquida en position finale (nĭgrŭm > *negr... ?)

 


Voir apocope après muta cum liquida ?





VI. s impur (spīnă, stātŭs)

Le s impur est le s initial suivi d'occlusive, comme dans les mots latins spīnă, stātŭs...



Partie 2.
Diachronie

Une syllabe ne peut normalement pas commencer par deux consonnes à part les cas de muta cum liquida : crassus, blandus. C'est un phénomène universel. Le groupe s + consonne demande un effort articulatoire ; il est plus facile à prononcer avec e ou i devant.


Dans toutes les langues du monde, la structure d'une syllabe est normalement la suivante : attaque, puis noyau, puis coda (qui est facultative).


L'échelle de sonorité ci-dessus montre que les groupes sco- (schŏla), spi- (spīna), scri- (scrĭbĕre)... enfreignent le princ.son. pour la structure des syllabes. En effet, le s a une sonorité plus élevée que p, t, k. Il est donc naturel que les locuteurs aient tendance à articuler une voyelle devant le s impur : cela rajoute une syllabe dans l'énoncé, syllabe qui englobe le s. La syllabation est ainsi changée : /spi.na/ > /es.pi.na/. De même en italien, l'article se transforme devant le s impur : il stato > lo stato.



Dans la Romania occidentale, vers le Ier siècle après J.-C., le s + consonne en début de mot, appelé s impur (s impurum) est muni d'un ĭ qui le précède, "c'est-à-dire la voyelle dont le point d'articulation est le plus proche de celui du [s]" (IPHF:42). Au cours des IIe et IIIe  siècles, ce ĭ, évolue en é dans le cadre de la mutation vocalique : le e prosthétique, ou e prothétique. (Cependant d'autres auteurs - IPHAF:177 - évoquent "soit i, soit e", et "en Gaule, c'est le e qui l'emporte").

schŏlă > ĭschŏlă [iskola] > escòla [éskòla] (occitan) > école (français)


Dans la Romania orientale, le e prosthétique n'est jamais apparu : schŏla > scuola [skwòla] (italien), şcoală [ʃkwalə] (roumain).


schŏla(m) > escola "école"

scrĭbĕre > escribere "écrire"

spīna(m) > espina "épine"

squāma(m) > escama, escauma "écaille"

stātu(m) > estatu "état"

etc.


Les mots français comme "scorpion", "squelette", "statue", sont des emprunts au latin, avec abandon de formes populaires comme estatües (forme du début XIIe siècle).





VII. Épenthèses (entre deux consonnes)

Je traite ici essentiellement de la vague d'épenthèses qui a concerné une période de l'Antiquité. Il faut y joindre la notion d'analogie sur groupes consonantiques (ci-dessous).



A. Vue d'ensemble sur les épenthèses


1. Contexte des épenthèses

(IPHAF:111) À la fin du IIe siècle et au début du IIIe siècle, une grande vague de syncopes affecte les proparoxytons latins dans la langue parlée : si une voyelle post-tonique se trouve au contact d'une liquide (l ou r), elle disparaît : mĕrŭlă > merla "merle", sŏlĭdŭs > soldus (> "sou").


- Exception 1 : dans le cas cr + voyelle post-tonique, il n'y a pas encore de syncope à cette époque : lacrima "larme" (IPHAF:111). 


- Exception 2 : en occitan, de très nombreux mots, parfois des variantes dialectales, n'ont pas subi cette syncope. C'est ainsi qu'on trouve tremola "(il) tremble" (< trĕmŭlăt),  pibol "peuplier" (< pōpŭlŭm), cese "pois chiche" (AO ceze, cezer < cicerem), nàisser "naître" (< nāscĕrĕ, le français a connu la syncope > "naître"), Antíbol (< Antĭpŏlĕm) alors qu'on a Grenòble (< Grātĭānŏpŏlĕm)... Ces mots non syncopés sont considérés comme ayant subi une influence savante.


Ces syncopes ont souvent mené à "occlusive + liquide", qui est une combinaison très familière en latin comme dans de nombreuses langues (muta cum liquida ci-dessus ; il faut mettre à part tl et dl, qui n'existent pas en latin). Mais les syncopes ont pu aussi mener à des combinaisons consonantiques inhabituelles dans la langue : nasale + liquide (ml, nl, mr, nr), sifflante + liquide (sl, sr, zr), et lr. Cela a mené à l'apparition de consonnes épenthiques. Selon F. de La Chaussée, ces consonnes sont sans doute apparues avant la fin du IVe siècle (IPHAF:140).  




2. Mécanisme des épenthèses
 


On constate que les groupes consonantiques inhabituels ont été changés par l'insertion d'une consonne supplémentaire entre les deux consonnes originelles : ml > mbl, mr > mbr...


a. Causes phonétiques mécaniques
 

F. de La Chaussée fournit des explications phonétiques mécaniques, automatiques, pour l'apparition de telle ou telle consonne épenthique (IPHAF:140-141) (je les donne ci-dessous pour chaque cas concerné). Il considère que l'épenthèse est "une conséquence du renforcement articulatoire" (IPHAF:140) ; cette notion de renforcement articulatoire n'est pas claire chez l'auteur.



b. Altérations par analogies sur groupes triconsonantiques préexistants
 


Il me semble qu'on doit compléter le raisonnement de F. de la Chaussée par la notion d'analogie sur groupes triconsonantiques :


●  La combinaison nl devrait, comme il le signale lui-même, mener à ndl si une cause cause purement mécanique était intervenue. Mais en français on a eu nl > ngl ; ainsi spīnŭlăm > "épingle" doit être expliqué plutôt par une analogie, par exemple sur cĭngŭlam > a.fr. cengle "sangle" (IPHAF:140). D'ailleurs cette épenthèse nl > ngl n'est pas attestée en AO, où comme aboutissement de spīnŭlăm on ne connaît que espila, espinla, espinola. On connaît aussi espanla "épaule", amenla "amande", ce qui prouve que le groupe consonantique nl était accepté en AO. Le latin classique aurait mené à ll : ĭnl- > ill- (illūmĭnārĕ...) ; le même phénomène a dû se produire pour spīnŭlăm > espila : *inl > *ill > il. En occitan comme en français, les mots en enl- ne posent pas de problème : enlaçar "enlacer", enlumenar "enluminer"...


●  On doit poursuivre ce raisonnement pour expliquer sl > scl. La syncope des mots latins assŭlăm et i(n)sŭlăm a mené à oc ascla, iscla. En prononçant énergiquement la combinaison sl, on pourrait produire une combinaison s'apparentant à stl. Mais la combinaison retenue dans l'occitan a été scl, sans doute par analogie sur les schémas familiers du latin ou du grec : asclēpĭăs, dĭsclūdĕrĕ, masc(ŭ)lŭs, mĭsc(ŭ)lārĕ, *rasĭcŭlārĕ > *rasclā... 


Des phénomènes du même type se sont produits dans des contextes un peu différents (voir ci-dessous tableau d'exemples) :


- épenthèses lors des emprunts à des langues acceptant sl :

sl.pr. *slovēninŭ > *sclavone > esclau "esclave"

a.b.fr. *slaitan > esclatar "éclater"

...

- l'altération analogique stl > scl :

- lors des emprunts à des langues acceptant stl :

gaulois *bistlos "bile" > AO bescle "rate"

- lors des syncopes menant à stl :

ăristŭlăm > arescle "éclisse",

ūstŭlārĕ > usclar "brûler" (voir bruslar, brûler...)


Ainsi les consonnes épenthiques ont pu apparaître par un mécanisme phonétique automatique, mais aussi (et parfois seulement) pour assimiler à la langue latine des groupes consonantiques inhabituels. Ici l'épenthèse (sl > scl) et la substitution de consonnes (stl > scl) ont agi pour assimiler sl et stl aux schémas habituels du latin. Donc des analogies se sont exercées à partir de mots déjà existants, des "mots modèles". Ces mots modèles sont écrits en mauve dans les tableaux ci-dessous. On peut parler d'analogie sur groupes triconsonantiques.


● Dans le schéma ci-dessous, je montre que selon moi, les notions d'épenthèse et d'analogie sur groupes triconsonantiques se recouvrent en grande partie, mais pas complètement.



Schéma épenthèses - analogies sur troupes triconsonantiques

Schéma ci-dessus : création de groupes triconsonantiques avec influence des épenthèses et influence des analogies sur groupes triconsonantiques (voir par exemple sl / stl > scl). Pour expliquer certains groupes triconantiques, les deux notions se recouvrent largement (2), mais certaines épenthèses sont peut-être purement phonétiques (1), et certaines analogies sur groupes consonantiques ne sont pas des épenthèses (3) : ūstŭlārĕ > *ūstlārĕ > usclar "brûler". (Je parle des épenthèses de consonnes entre deux autres consonnes).




B. Nasale (m / n) + liquide (l / r)

Voir le contexte ci-dessus. Avant la fin du IVe siècle (IPHAF:140), au moment du "renforcement articulatoire" (?), pour prononcer ml, mr, nl, nr, "le dernier segment de la nasale s'est dénasalisé, laissant en place l'occlusive correspondante, toujours sonore, car les nasales sont des sonores : ml > mbl, nr > ndr, mr > mbr" (IPHAF:140).


(Voir aussi GIPPM-2:229).


Je propose aussi le rôle de mots modèles (en mauve ci-dessous) ayant facilité les épenthèses par analogie (explications ci-dessus).



1. m + l : sĭmĭlăt > semBla
 


latin LPC

occitan (et français...)
amb(ŭ)lăt
ambla
m'l
>
mbl



Pol.Silv. amulu(m)
 a.fr.pr. ambloz, amble > "omble (poisson)"
assĭmŭlăt (1)
assembla "il assemble" (1)
*Camillĭācŭ(m)

Chambly (60), Chambley (54) (2)
cŭmŭlŭ(m)

comble "comble"
cŭmŭlăt

combla "il comble"
flammŭlă(m) ? (3)
(a.fr. flamble > flambe ?) > dér flambar "flamber" (3)
hŭmĭlĕ(m) (4)

alb, niç omble (4)
(ar.clas.  رملة) ramlah

esp rambla
sĭmĭlăm, sĭmŭlăm
AO sẹmbla, semọla
 "fleur de farine ; semoule..."
sĭmĭlăt (1)
sembla "il semble" (1)
trĕmŭlăt

trèmbla "il tremble"
*trĕmŭlētŭm

n.d.l. Tremblay, Trembloy...
trĕmŭlŭ(m)

trèmble "tremble (arbre)"
*vīllă(m) Mŭmmŭlĭs (5)
"Villemomble" (93)




Tableau. Épenthèse entre m et l. En mauve : mots modèles ayant favorisé l'épenthèse.




(1) Pour assemblar et semblar, la racine est différente : respectivement sĭmŭl et sĭmĭlĭs, voir CNRTL "assembler". Pourtant, DFL réunit assimulare et assimilare dans le même article : à mieux étudier. En remontant le temps, sĭmŭl et sĭmĭlĭs proviennent de la même racine, voir sĭmŭl / sĭmĭlĭs dans les apophonies.

(2) Pour Chambly, Chambley, voir m-ly.

(3) Pour flambar, DGmmnn remet en cause l'origine flammŭlă au profit de flamma, voir ci-dessous le groupe -mm-.

(4) Pour hŭmĭlĕ(m), les mots courants, oc umblefr. "humble" sont empruntés (normalement ŭ > o), mais omble semble bien hérité. (Ne pas confondre avec omble, nom de poisson, d'origine discutée).

(5) DENLF:721b donne villa "domaine rural" de Mummulus, nom de personne germanique. Voir aussi TGF2:994. Les sites internet propagent "villa Mummole, vers l'an 800", dont je ne trouve pas la source.




2. m + r : : nŭm(ĕ)rŭm > nomBre
   


latin LPC

occitan (et autres langues)
ŭmbram
ombra
cammărŭm > cambărŭm > cambrŭm (1)

(chambre "écrevisse") (1)
m'r
> mbr



ămĕrīnă > *amera

fr.pr. ambra "osier"(2)
cămără(m)

oc cambra "chambre"
Camerācŭ(m)
Cammerāgŭ(m)

n.d.l. Cambrai (59)
n.d.l. Chambray (27)
cămŭrŭ(m)

dér. oc cambrar "cambrer" (3)
cŭcŭmĕrĕ(m)

oc cocombre, cogombre "concombre"
hŭmĕrŭ(m)

esp hombro "épaule"
mĕmŏrăt

oc membra "(il) remémore"
nŭmĕrŭ(m)

oc nombre "nombre"
rĕmĕmŏrā

oc remembrar "remémorer"
gaul Samara

  hydr. Sambre
frq *sumarare, *sumerare
(voir all Sommer "été")

fr sombrer
"donner un premier labour aux terres en été"



rm'r
> rbr
mărmŏrĕ(m)

marbre...




Tableau. Épenthèse entre m et r. En mauve : mots modèles ayant favorisé l'épenthèse.



(1) L'évolution cammărŭs > cambărŭs est déjà attestée en latin tardif, probablement par l'influence de camba "jambe" (FEW 2:144a) ; voir l'italien gambero "crevette". Le mot n'entre donc pas dans les épenthèses causées par la syncope, mais a pu au contraire renforcer l'influence analogique de ŭmbra.

(2) L'évolution ămĕrīnă > *amera est postulée par les représentants fr.pr. de type ambra, par des attestations dialectales normandes du XVIe siècle (ambre), peut-être par les toponymes Ambrières / Ambriers (53, 72), et par une glose du IXe siècle (amera genus salicis) (FEW 24:433-434). Le sud-est de la France a le type amarina.

(3) cambrar est peut-être un francisme.



3. n + l : spīn(ŭ)lăm > "épinGle" (français)
   


latin LPC

occitan (et français)
cĭng(ŭ)lăm, ŭng(ŭ)lăm, ang(ŭ)lŭm, strangŭlārĕ...
cengla, ongla, angle, estranglar...
n'l
> ndl, ngl



spīnŭlă(m)

espingla  (franc. ?)




Tableau. Épenthèse entre n et l. En mauve : mots modèles ayant favorisé l'épenthèse.




4. n + r : cĭnĕrĕm > cenDre
    
  

(GIPPM-2:229-230, ALF:210 "cendre" <  cĭnĕrĕm, ALF:1359 "vendredi" < diēm Vĕnĕris)


D'après GIPPM-2:229-230, le traitement général est n'r > ndr, sauf en trois zones où le ne traitement est t n'r > nr :


- "à Menton et Fontan, au Val-Saint-Martin, à Bobbio et Villar-Pellice, en Queiras" ;

- "à Aurillac" (15) ;

- "en Capcir".


Voici quelques précisions :

- Pour la première zone, on est proche de l'Italie, où l'évolution se fait sans syncope : cĭnĕrĕm > piém sëner (piemunteis.it, GDPI:1036b), gén çénie (DGI:209b), it cenere.


- Pour la seconde zone, je n'ai que trouvé que très peu de précisions (. ERMC.)


certaines vallées des Alpes jusqu'à Menton : Fon06 , Men06, en Queyras (05) et dans le Piémont italien (mais en Queyras, ;




Le Val Saint-Martin, à Bobi [sãré], Maïsette [sãró], au Villar ;

Exemples : cĭnĕrĕm "cendre" :

- Fon06, Men06 cènre (GIPPM-2:230), Fon06 [sè̃r], Men06 [sè̃ré] (ALF:210 "cendre")

 à Bobi [sãré], Maïsette [sãró])



Également en AO, on a nr et ndr (il faudrait étudier si on peut connaître la provenance géographique des attestations).


L'évolution n'r > ndr fut sans doute facilitée par l'influence analogique de nombreux infinitifs en -dĕrĕ. qui évoluèrent en *-drĕ par syncope. Voir dans le tableau ci-dessous les mots modèles.




latin LPC

occitan (et français)
ANDR : andro- (ἀνδρός)
ÉNDR :  fĭnd(ĕ)rĕ, prēnd(ĕ)rĕ
ÈNDR : dēscĕnd(ĕ)rĕ, pĕnd(ĕ)rĕ, (ĭn)tĕnd(ĕ)rĕ, vĕnd(ĕ)rĕ
ÒNDR : respŏnd(ĕ)rĕ
ÓNDR : *abscŭnd(ĕ)rĕ
(3)


fendre, prendre
deissèndre, pèndre, tèndre, vèndre
respòndre
escondre
n'r
> ndr
(rarement nr )



cĭnĕrĕ(m)

cendre "cendre"
gĕnĕrĕ(m)

gèndre (gènre)
n. grandĭŏr > *grannĭŏr
a.fr. graindre "plus grand" (1)
hŏnŏrā

AO ondrar... "honorer"
n. jūnĭŏr 
a.fr. juindre, joindre "plus jeune" (2)
mĭnŏr

mendre "moindre"
pōnĕre

pondre "pondre"
*sŭbmŏnē (3)

AO somndre, somọnre... "semondre (inviter)" (3)
tĕnĕrŭm

tèndre "tendre"
*teniraio

tendrai "tiendrai"
Vĕnĕrandŭ(m)

Vendran (n.d.f.)
(Venerand)
Vĕnĕrĭānĭcīs

*Vendrargas > Vendargas "Vendargues" (34)
diēm Vĕnĕris ;
Portŭm Vĕnĕris

divèndre "vendredi" ;
Pòrtvendres "Port Vendre"
*veniraio

vendrai "viendrai"



Tableau. Épenthèse entre n et r. En mauve : mots modèles ayant favorisé l'épenthèse.


(1) Pour grandĭŏr > *grannĭŏr > graindre, le d épenthique apparaît (PHF-p:163), et par ailleurs un i diphtongal apparaît : *grañdr > graindre. Y. Ch. Morin critique le fait que d dans graindre soit épenthique (SADP:160, note 57).

(2) Pour jūnĭŏr > juindre, joindre, même remarque que ci-dessus concernant le d épenthique et le i diphtongal. Pour la variante joindre, voir jūnĭŏr (abrègement de longues toniques de proparoxytons).

(3) Pour *sŭbmŏnērĕ > *sŭbmŏnĕrĕ (réarrangements en proparoxytons), il y a évolution "régulière" vers un ŏ > o fermé. Par contre pour *abscŏnd(ĕ)rĕ, il faut peut-être supposer un *abscŭnd(ĕ)rĕ > escondre (et non escòndre) (Évolution de certains timbres).




C. Sifflante (s / z) + liquide (l / r)



1. Sifflante + r : ess(ĕ)re > èsTre

 

(GIPPM-2:229 cite essĕrĕ, consuĕrĕ, lazărŭm).


Voir le contexte ci-dessus.

Selon IPHAF:140, avant la fin du IVe siècle au moment du "renforcement articulatoire" (?), pour prononcer ssr, zr, (j.m.c.g.) "l'élévation énergique de l'apex pour r qui demande un effort articulatoire très particulier, bloque le premier battement du r et le résultat est évidemment une occlusive apico-alvéolaire, la sourde t après un s sourd, la sonore d après un z sonore" (IPHAF:141).


Je propose aussi le rôle de mots modèles (en mauve ci-dessous) ayant facilité les épenthèses par analogie (explications ci-dessus).


Il faut remarquer qu'en occitan, pour la combinaison s-r, la tendance est à éviter la syncope. L'épenthèse est en effet rare pour essĕre : ȩsser est bien plus fréquent que ȩstre en AO, mais l'influence du français a propagé largement èstre. Pour lazărum, ladre est bien attesté en AO, mais le prénom est Làzer (Lazare par influence du français, forme savante).




latin

occitan, français
s'r

str
(surtout domaine d'oîl)
astrŭm, castrŭm, fĕnestrăm, măgĭstrŭm...

astre, fenèstra, maistre...
-scĕrĕ > *-i̯s's'
(crēscĕrĕ...)
>
>
d, a, a.fr. creistre "croître" (1)
crèisser "croître"
n. antĕcĕssŏr > *antcess'r
>
ancèstre "ancêtre" (2)
essĕrĕ
>
>
èstre "être"
èsser "être"
tĕxĕrĕ
>
>
a.fr. tistre "tisser"
tèisser "tisser"



z'r

zdr > dr
(surtout domaine d'oïl)
consuĕrĕ > *cosĕrĕ

a.fr. cosdre, fr coudre
cóser "coudre"
lazărŭ(m)
>
>
lazdre > ladre "ladre"
Làzer "Lazare"
sīcĕrăm > sīsĕrăm > *sizra
>
>
a.fr. sizre, fr cidre

Tableau. Épenthèse entre s / z et r (en rouge). En occitan, la voie par apocope (en bleu), est préférentielle. En mauve : mots modèles ayant favorisé l'épenthèse.


(1) Pour les verbes en -scĕrĕ, voir verbes en -scĕrĕ (deuxièmes palatalisations).

(2) Pour antĕcessŏr, c'est le CS qui est resté dans la langue, en occitan comme en français. Le CR ancesr (< ac. antĕcĕssōrĕm) existait en AO (même forme en a.fr.), mais il n'a pas survécu.




2. Sifflante + l : i(n)s(ŭ)lăm > iscla

Voir le contexte ci-dessus.


Pour s'l > scl, on ne peut trouver aucune explication phonétique "automatique" (voir ci-dessus altération par analogie sur groupe triconsonantique).


Il est possible que l'évolution s'l > scl se réalisât dans de nombreuses régions de la Gaule (attestations ?) ; cela a pu mener à quatre aboutissements comme pour masc(u)lum > oc mascle / macle / *masle / male (fr "mâle") :

- scl conservé (iscla) > nord-occitan icl, cl (eiclatar, eclatar)

- (amuïssement de la consonne centrale comme dans a.fr. masle) sl (isla) > nord-occitan l (ila).


Cependant les variantes de type isla (inla, irla), ila peuvent provenir simplement de *īsŭlăm. Voir la variante isola avec basculement d'accent (mais pour isola, y a-t-il eu influence savante ?).



Remarque : pour le provençal crumascle "crémaillère" : l'étymon est le grec kremaster "crochet de chaudron" > cremastrĕm > (je pense à une dissimilation : kr-tr > kr-kl) cremasclŭm (FEW 2:1314b)



latin

occitan
asclēpĭăs (Ἀσκληπιός), cīsc(ŭ)lārĕ, masc(ŭ)lŭs, mĭsc(ŭ)lārĕ, *rās(ĭ)c(ŭ)lārĕ...

gisclar, mascle, mesclar, rasclar...
épenthèses
s'l
>
scl
assŭlă(m)

ascla "éclat de bois ; fêlure..."
insŭlăm > *īsŭlă(m)
iscla "île"
sl
>
scl
a.b.fr. *slag
esclau "trace, vestige..."
a.b.fr. *slaitan
esclatar "éclater"
m.ne. *slimb
esclemba "écharde"
sl.pr. *slovēninŭ > *sclavone (1)
esclau "esclave" (1)



altérations analogiques
(ci-dessus altérations, voir aussi évolution de tl après consonne)
st'l
>
scl
*ărĭstŭlăm

arescle, ariscle "éclisse"
ūstŭlā

usclar (bruslar...) "brûler"



stl
>
scl
gaul. *bistlos
AO bscle "rate"









Tableau. Épenthèse dans le groupe sl issu de syncope (lettre épenthique en rouge). En mauve : mots modèles ayant favorisé l'épenthèse.


(1) Pour sl.pr. *slovēninŭ "slave" > *sclavone : ce dernier a été pris pour un accusatif (voir CNRTL "esclave") d'où *sclavo > *sclavum ou *sclavem. "Le changement de sens "slave" > "esclave" s'explique par le grand nombre de Slaves réduits en esclavage dans les Balkans par les Germains et les Byzantins pendant le haut Moyen Âge" (CNRTL "esclave"). Pour "esclave", le mot latin était servŭs.








D. Groupe l + r : *vol(ē)raiō > volDrai > vouDrai

Avant la fin du IVe siècle selon IPHAF (p. 140), au moment du renforcement articulatoire, pour prononcer -lr-, "l'application des bords de la langue s'est faite trop rapidement avant que la pointe (en contact stable pour l) ne se fût libérée afin d'exécuter le premier battement de r - d'où l'occlusion totale sur le pourtour de la voûte et apparition d'un d entre les sonores l et r."


Cependant en occitan, peut-être à cause de l'absence de -ldr- en latin (à prouver), cette épenthèse de d semble limitée. En effet, en AO, on a mǫlre (< mŏlĕrĕ), alors qu'en français on a "moudre". Je cite encore : AO cǫlra (< chŏlĕrăm).

Mais tŏllĕrĕ > tǫlre / tǫldre..., aussi destǫlre, destǫldre.


Il faut que j'étudie le groupe de absŏlvĕrĕ > "absoudre", dont apparemment aucun équivalent en AO ne présente de d (absolver, absolre, absolbre...). Voir composés en -lŭvō. Par contre, pŭlvĕrĕm > AO poldra, pdra "poudre".



latin LPC

occitan
l'r
>
ldr
ălĭd + rĕm > *alrem

AO aldre "quelque chose d'autre"
cŏrŭlŭ(m) > *cŏlŭrŭ(m)

AO cǫldra ? , fr "coudrier"
dŏlērĕ > *dŏlĕrĕ
AO dǫldre, dǫlre "faire mal"
ŏlērĕ > *ŏlĕrĕ
AO ǫldre, ǫler "sentir (répandre une odeur)l"
tŏllĕrĕ

AO tǫldre... "enlever"
vŏlērĕ hăbĕō > *vol(ē)raiō (fut.pér.)
vodrai "voudrai"



lv'r
>
ldr
pŭlvĕrĕ(m)

AO poldra, pdra "poudre" (aussi pọlvera, pọrba, prọba)
sŏlvĕrĕ

a.fr. soldre ("absoudre", "dissoudre"...), mais AO solver (1)

Tableau. Épenthèse entre l et r. Il est probable que l'absence du groupe -ldr- en latin ne permette pas une large diffusion de cette épenthèse.


(1) Pour sŏlvĕrĕ, voir l'origine sē + lăvō.





E. Groupe m + t : dŏm(ĭ)tăt > domPta


Le verbe latin dŏmĭtāre "dompter" a subi la syncope des post-toniques vers le début du IVe siècle (IPHAF:111, 112) > *dŏmtāre. En français entre m et t, un p est apparu dans la graphie et probablement dans la prononciation, mais actuellement, la "bonne prononciation" est discutée (voir CNRTL à "dompter"). Voir ci-dessous la prononciation de p épenthique pour nasale + nasale en AO (pour damnāre > AO dampnar / damnar "damner"). 


En AO les formes suivantes sont attestées : domdar, domtar, dondar, domptar, dompdar. Les deux dernières montrent donc aussi une épenthèse de p. Cependant oc. comte, fr. "comte" < cŏmĭtĕm, "fiente" < fĕmĭtăm, a.fr. "friente" (bruit) < frĕmĭtŭm, fr. "sente" < sēmĭtăm n'ont pas cette épenthèse.



L'apparition du p est sans doute en partie liée à l'influence analogique de temptāre > tentar, compŭtāre > comptar.


En latin, il a existé une épenthèse du même type dans *em-tos > emptus "achat", *sum-tos > sumptus "dépense", également en anglais dans empty < œmettig (voir CNRTL "dompter").


Pour le grec ancien, l'évolution lamedh > lambda (nom de la lettre grecque λ), avec b épenthique, est semblable.








VIII. Nasale + autre nasale (mn, nm)


A. Géminées mm et nn


Pour les géminées mm et nn, voir ci-dessous.




B. Groupe mn



Cette partie est construite notamment à partir des études de LDR, de DGmmnn, ainsi que de réflexions personnelles.


Selon Georges Millardet (LDR:290), le contact de m et n à l'intérieur d'un mot amène à des résultats différents en fonction des forces qui l'ont emporté : la force conservatrice, la force assimilatrice, la force différenciatrice.


Dans les différentes parties de l'Empire Romain, mn primaire a un destin souvent différent de mn secondaire. Cela justifie le découpage ci-dessous en deux paragraphes distincts.



1. Groupe mn primaire


a. Origine de mn primaire


Le groupe primaire mn a des origines variables (LDR:290, approfondi ici). On peut distinguer quatre origines :



1. Origine indo-européenne : ălŭmnŭs  "nourrisson, élève"



2. Syncope ancienne :

(ce n'est que le début d'une longue série de syncopes m'n, voir ci-dessous mn secondaire)


-mĭn- : cŏlŭmĭnă > cŏlŭmnă "colonne"


dŏmĭnŭs "maître", dŏmĭnă "maîtresse de maison" sont dans le même cas : on prononçait dŏmnŭs / dŏmnă bien qu'on continuait à écrire les formes non syncopées en latin classique, voir syncopes attestées à l'époque républicaine.



3. Anciens groupes bn et pn :

Voir la loi "occlusive  + nasale > nasale + nasale" décrite dans PHL4:134. Cette loi semble encore s'exercer en latin tardif (voir t-m). Cependant voir ci-dessus : secmentom > segmentum, *prismos > *prizmos > primus.


-bn- :

pr-i-e. *ab-nis > amnĭs "cours d'eau" (amnis)

pr-i-e. *skabʰ-no-m > pr-it. *skaβnom > scamnŭm "escabeau ; banc ; bande de terre" (scamnŭm)


-pn- :

pr-i-e. *swépnos > *sopnos > *sobnos > somnŭs "sommeil"




4. Emprunts au grec (amnesia, gymnasium, rhamnus...), eux-mêmes d'origine variable en grec. Apparemment sans descendance vraiment populaire.




b. Évolution de mn primaire


Les constatations ci-dessous permettent de supposer que dès l'Antiquité, des tendances s'opposaient en fonction des régions de l'Empire Romain. On remarque notamment une opposition entre l'Espagne et le nord de la Gaule. La région intermédiaire (Catalogne et domaine occitan) montre des traits plutôt hispaniques (mn > nn), mais aussi des traits originaux (amn > aun).



α. Conservation de mn


Par la voie populaire, mn s'est souvent conservé en Romania orientale

(exemples de LDR:290)


- en roumain dans le groupe omn : somn "sommeil" ;

- en dalmate dans les groupes omn et amn : somnŭs > samno, damnŭs > damno.



β. Assimilations : mn > mm ou nn



β1. Assimilation progressive : mn > mm


L'assimilation progressive mn > mm semble être assez caractéristique de la Gaule du nord :



cŏlŭmnăm > dial.oïl coulomme "colonne", forme vraiment populaire avec coulombe (A. Thomas in DGmmnn:74) ;


damnŭs > "dam" ; "dommage"


dŏmnăm > dame ; *dŏmnĭcĕllăm > "damoiselle", "demoiselle" ; *dŏmnĭcĕllŭm,  > "damoiseau" (voir dŏmĭnŭs > dŏmnŭs ci-dessus) ;


scamnŭm > a.fr. eschame "escabeau", dial.oïl chame "escabeau ; chaise" (FEW 11:278a) ;


sŏmnŭm > "somme" (action de dormir) ; sŏmnĭcŭlŭm > "sommeil"



En latin, l'assimilation progressive est notée par Quintilien et de façon plus nuancée par Priscien (LDR:291).


Attestations antiques :

Quintilien (Inst. 1, 7, 26) :
columnam et consules exempta n littera legimus
"nous lisons columnam et consules sans prononcer la lettre n".
Selon DGmmnn:81, dans ce cas columnam devait se prononcer avec m géminé, voir par exemple Solemmo pour Solemno (CIL vi 28117 de Rome).
Pour consules, voir ns > s.


Priscien (Inst. 1, 29, 30)
n quoque plenior in primis sonat, et in ultimis partibus syllabarum, ut nomen, stamen ; exilior in mediis, ut amnis, damnum
"Également n est prononcé pleinement en début et en fin de syllabe comme dans nomen, stamen ; plus faiblement dans à l'intérieur comme dans amnis, damnum.









β2. Assimilation régressive : mn > nn

L'assimilation régressive mn > nn semble être très marquée dans la péninsule ibérique. On la rencontre aussi dans d'autres domaines.



● En occitan : cŏlŭmnăm > AO colonna (et colomna)



● En français : cŏlŭmnăm > "colonne" (voir ci-dessous le modèle cŏlŭmnăm).


En français dialectal, on doit aussi noter : dŏmĭnam > danne : par exemple : Dannemarie-sur-Crête (25) < Domna Maria en 1110 , Dennemarie en 1268. Aussi : Dannemarie (78), Donnemarie (52, 77). (Voir dŏmĭnŭs > dŏmnŭs ci-dessus). 



● Notamment dans la péninsule ibérique, on constate un traitement identique pour nn et pour mn latins :


annŭs > esp año, cat any /añ/ "an" :



damnŭs > esp daño , cat dany /dañ/ "dommage" ; 

dŏmnă > esp dueña "maîtresse de maison", esp doña "dame noble" (voir dŏmĭnŭs > dŏmnŭs ci-dessus) ;

scamnŭm > esp escaño "siège" ;

somnŭm > esp sueño "sommeil ; songe"


On peut penser qu'il y a eu une assimilation régressive (mn > nn) (LDR:291).

Celle-ci semble annoncée par les inscriptions latines d'Espagne (LDR:291).

Voici des exemples :



Attestations antiques :
(in NVER:46)

danno (damnum) "dommage" (CLE 1339, 19)  ;
alonnus (alumnus) "nourrisson ; élève" (CIL iii. 2240) (ŭ > ó) ;
interanniensis (interamniensis) "d'entre les eaux"(CIL ii. 509, 510, 511) (Interamnium Flavium dans le nord de l'Espagne).







γ. Trigramme mpn


En graphie médiévale, le trigramme mpn est fréquent, en AF comme en AO, également ci-dessous en a.ar.. Par exemple pour l'AO : colompna, autompne, dampnar, sompnhar, dompn... On trouve également ce trigramme en latin tardif : "Sur des inscriptions tardives et dans les manuscrits de la basse époque apparaissent dampnum, solempnis, calumpnia, dampnare, etc." (LDR:291).


Que penser du p dans mpn ? S'agissait-il d'un réel p prononcé ? Ou d'un p signifiant simplement qu'il faut prononcer le m antécédent ? Se trouvait-il seulement dans les formes savantes ? Y a-t-il eu un effet de l'écrit sur l'oral ? Ce cas rappelle domptar ci-dessus (m-t).


Selon Georges Millardet, ce p était vraiment prononcé, et il résulterait d'un phénomène phonétique de différenciation se réalisant pour contrer l'assimilation (LDR:291-293). 


(LDR:291-292) "Mais, dès la fin de l'époque latine, l'assimilation de mn en mm ou en nn est sentie comme un danger pour l'intégrité du système articulatoire de la langue. C'est alors que, par réaction contre la tendance assimilatrice, se fait jour une tendance différenciatrice. Sur des inscriptions tardives et dans les manuscrits de la basse époque [n.d.l.r  "bas latin" : du IIIe au VIe siècle] apparaissent dampnum, sollempnis, calumpnia, dampnare, etc. Ce traitement s'est maintenu partiellement en vieux provençal, dampnatge, dompna, en vieux français dampnos, dampnosement et même en vieil espagnol dampnado, dambnado (Staaf, Sa., 245).

Ces formes ne sont pas de pures graphies, comme on l'a prétendu à tort ; car les faits romans sont parallèles aux faits scandinaves par exemple dont le caractère phonétique semble assuré : vieux suédois nampn < namn "nom" et d'autres cas semblables. D'autre part on ne peut soutenir que prov. dampnatge soit une pure survivance graphique du bas latin dampnum, puisqu'on a en provençal ancien non seulement dompna -, qui, à la rigueur, peut s'expliquer par le bas latin, puisque pour ce mot la syncope domna est ancienne, - mais encore fempna < feminam, où le p ne peut avoir aucune base dans une tradition latine quelconque."


Selon Manuel Alvar (DDJ:218-220), outre G. Millardet ci-dessus, les auteurs Menéndez Pidal et Ynduráin soutiennent que p a une valeur phonétique.


Au contraire Manuel Alvar estime que p dans mpn n'a qu'une valeur graphique, destinée à maintenir à la lecture la distinction entre m et n. L'auteur note les formes costunpne, fenpnas, dompno dans les documents en ancien aragonnais de Jaca. Il cite aussi d'autres sources de la péninsule ibérique avec nompnadas, sempnar, acostumpnado, danpnificado, sollenpnidat...


(DDJ:220) (trad.esp.)  " La graphie -mpn- a un caractère savant assuré. Il suffit de voir pour cela l'exemple du Becerro de Leire : duenna dompna Oneca. Face au vulgaire duenna — ŏ tonique diphongué, m'n > nndompna impose son caractère savant avec la séparation latine des deux nasales. Le procédé des copistes latins était le même : pour éviter -mn- > m, on intercalait un p. Dans les textes romans, la préoccupation est la même : différencier les nasales dans une prononciation correcte, sans tenir compte du signe épenthique."






c. Modèle de cŏlŭmnăm "colonne"

 

Pour cŏlŭmnă "colonne", DGmmnn propose le schéma d'évolution ci-dessous (au moins pour la Gaule).








mn
(cŏlŭmnă)

> (ass.r.) nn
(colonne)
> (diff.) nd
(colonde)
> (infl.a.) (1)
ndr
(colondre)


(voir *varenna)
>
(voir AO garenda)


> (ass.p.) mm
(colomme)
> (diff.) mb
(colombe
voir "colombage")


> (épen.?)
&mpn
(AO colompna)
&
&









Évolution du groupe consonantique primaire mn (d'après DGmmnn:62, adapté et développé).


(1) Pour expliquer "colondre", FEW 2:935a penche pour un croisement kylindros (→ *kolendro) x cŏlŭmnă.





d. Modèle de somnŭm "sommeil"

Les mots masculins et neutres en -mnŭm aboutissent à l'absence


Pour somnŭm :


somnŭm > *sommŭm > "somme" (action de dormir), occitan sòm.


damnŭm > dan, dam, daun "dommage"


autumnum > autom




e. Modèle de somnĭŭm "songe"

Remarque : voir l'alternance semblable ci-dessous : scamnŭm / scamnĭŭm.


Pour somnĭŭm "songe", je propose de reconstituer les voies suivantes :









sōmnĭŭm
> (ass.r.) *sōnnĭŭm
> (diff.) *sōndium
> (1es pal.)
AO sọnge
> (1es pal.)
AO sọmnhe



> (v.sav.) AO sọmi, sọmni  "songe"










sŏmnĭŭm
> (1es pal.)
*sŏmñŭm
> (ass.r.) *sòññu
> (d.cond.) AO suenh
"soin"







Proposition d'évolution de somnĭŭm.


- sōmnĭŭm > *sŏmñŭm > *sòññu > suenh "soin" (occitan, voir diphtongaison conditionnée par ñ) ;

- sōmnĭŭm > AO sọmnhe "songe", a.fr. soingne [soñe] ou [só̃ñe] "songe" ;

- sōmnĭŭm > (voie savante) AO sọmi, sọmni  "songe"

- sōmnĭŭm > *sōndium > (AO) songe.


Je rajoute :

*dŏmĭnĭārĭŭm > *dŏmnĭārĭŭm > AO, a.fr. dangier "danger" (voir -ārĭŭm > -ier ci-dessous).



2. Groupe mn secondaire (fem'na)

 

Voir évolution de m-n.

Louis Remacle constate : « Pour le groupe secondaire m'n, qui s'est formé dans des mots latins comme dominus (-a-), femina, homine, seminare, etc., on relève des aboutissements m(m), n(n) : ainsi 'dame' et 'donne', 'femme' et 'fenne'. Mais, à côté des géminées dues à l'assimilation, les groupes différenciés mb, nd font presque complètement défaut. » (DGmmnn:70).


L'auteur cite quelques formes toponymiques en nd de Suisse romande, issues de dominus (-a) : vicedomina > vidonda in n.d.l. Vedondoz, Vidondoz, Pravidonda "pré de la vidamesse". Le cas est voisin de nn > nd ci-dessous. Il cite aussi AO dombredeu, dambredeu "seigneur Dieu", à rattacher au type espagnol hembra "femme", qu'il exclut de son étude.


L. Remacle ne donne pas de déduction de la quasi-absence des groupes différenciés en mb, nd pour le groupe secondaire m'n ; on peut néanmoins proposer cette conclusion : les processus d'assimilation et de différenciation de mn primaire en nn et mm étaient terminés lorsque les syncopes de feminam, hominem... commençaient. Il faut cependant mettre à part dominus, pour lequel la voie populaire avait déjà réalisé la syncope à l'époque de la République romaine, donc avant 27 av. J.-C. (premières syncopes de paroxytons).



Évolution de type espagnol : hŏmĭnĕm > hombre "homme"

 


(LDR:293 !)

Cette évolution semble marginale dans le domaine occitan, mais elle existe :

Le n peut facilement devenir r au contact d'une consonne.


Feminam > *femna > *femra > frema "femme"

Dominum Deum > AO dombredeu, dambredeu "seigneur Dieu"




3. Cas amn, ann > aun

 

G. Millardet (LDR:231) donne damnŭm > (différenciation) g daun /daʋ̯n/, voir AO daun.

Jules Ronjat (GIPPM-2:213-214) signale bien : mn > un, mais il ne distingue par -amn- des autres groupes -omn-, -umn-. Il signale un contraste entre mn > un ou n et m'n > mn ~ mbl ~ nn ~ n ~ m (GIPPM-2:154 suite note 1). P. Wunderli signale également amn > aun (NTOP-2:5) (je ne sais pas si L. Remacle traite cette évolution ; je n'ai pas accès au texte complet de DGmmnn).


Par exemple : scamnŭmAO escaun "banc, escabeau, étagère"), *scamnĭŭm > AO escanh "idem". Cette évolution est connue en roumain, istroroumain et anglo-normand (NTOP-2:5). Scamnum > ro scaun "chaise" (REW:576). (Pour -mnŭm / -mnĭŭm, voir aussi ci-dessus somnŭm / somnĭŭm).


Aussi :

amnĭs "cours d'eau" (descendants connus seulement dans les noms de lieu, FEW 24:462a) :  ĭntĕr + amnēs "entre les eaux" > n.d.l. Entraunes "Entraunes" (06), Antrain (35), Entrammes (53), Antran (86).


À cette évolution, je pense qu'il faut rattacher ann > aun dans manna > mauna "manne", sanguinăt > *sangna > *sanna > sauna "(il) saigne".


Aussi : Sanctŭm Annemŭndŭm > Sanctum Aunemundum (années 976, 1173) > Sanch Amont (Saint-Chamont, 42)


Aussi dans mn secondaire : lāmĭnăm > *lāmnă(m) > AO launa / lama "lame, plaque".


Voir aussi le développement intéressant sur l'accent de l'Anjou (et de Normandie, Bretagne ?) à la toponymie du Mans, Wikipédia où est cité Jacques Peletier du Mans au XVIe siècle : "iz prononcet l'a devant n un peu bien grossement é quasi comme s'il i avoèt aun par diftongue ; quand iz diset Normaund, Aungers, le Mauns, graund chose". On pourrait proposer ann > aun pour au moins deux mots : Ceromannos (bien attesté avec nn) > Le Mauns (pour "Le Mans"), Nortmannos > normauns pour "normands". Peut-être Andecavis > *Anngavi > Aungers pour "Angers".


Selon Peter Wunderli à propos de amn > aun, "une explication homogène et tenant compte aussi de l'extension géographique manque cependant jusqu'à date actuelle" (NTOP-2:5).


Max Wheeler propose (SAHC:16 pour cat llauna "fer-blanc" < lat lamina) une dissimilation de nasalité avec une évolution m > b > u ("dissimilation of nasality /m/ ... /n/ > /b/ ... /n/, with subsequent lenition of /b/ to /v/ (> [w])").






C. Groupe nm (forcément secondaire)

Quelques mots latins ont perdu une voyelle atone, menant à un groupe nm : ănĭmăm > *ănmă "âme", ănĭmālĕm > *ănmā "animal", ănĭmālĭă(m) / *ănmālĭă "les bêtes à cornes (sens collectif)", mĭnĭmŭm > *mĭnmŭ "le plus petit", mĭnĭmārĕ > mĭnmārĕ "diminuer" (FEW, 6/2:113-114).


Schéma général : n'm > rm / um / mn.


(GIPPM-2:215) "n'm est un groupe gênant (cf. § 145 δ), dont le traitement est par malheur insuffisamment attesté."

(FEW, 24:592b "animal") "Dans animal comme dans animalia, le traitement galloroman presque unanime du groupe -n'm- est -rm-/-lm- ; les témoins d'un traitement -m- ne sont que sporadiques."



ănĭmă(m) "âme" > AO anma, arma "âme" ; g amna (dans l'aire de hemna < feminam) ; arma est conservé seulement dans l'exclamation pér per mon arma !, et dans le pronom indéfini auv narma < una arma "on". Partout ailleurs on a le francisme ama. (GIPPM-2:215-216).




Le n peut facilement devenir r devant une consonne (ci-dessus).






IX. Dégéminations

A. Cas général

Les dégéminations, ou simplifications des géminées, se sont produites après les sonorisations, puisqu'on dit vaca et non vaga (vaccam > vaca "vache") ; pp et p latins ont toujours deux aboutissements différents, de même tt et t, cc et c, ss et s, ff et f, bb et b, dd et d, gg et g.

Pour le domaine d'oïl, la simplification des géminées est datée du VIIe siècle (IPHAF:93).



&Remarque : en français, certaines personnes prononcent par exemple "sommet" avec m géminé [sommé] ; cette prononciation est sans doute induite par l'influence de l'écrit, qui est utilisé dans un but emphatique ("redoublement expressif de la consonne"). Je pense que pour les mots hérités, il n'y a jamais lieu de prononcer une gémination de consonne puisque la dégémination s'est réalisée.
&Le problème, c'est que pour "sommet", il est difficile de savoir si le mot est hérité (voir CNRTL "sommet", "somme" : emprunt au latin summa "place la plus haute" (mais pourquoi un emprunt ?). Mais même par voie d'emprunt, il me semble qu'il n'y a pas lieu de prononcer une gémination ; ceci n'est qu'une position personnelle.
&Voir les positions de Grammont, Fouché, résumées dans DPLFC, p. 424. "Pour Maurice Grammont "la prononciation d'une consonne double n'est acceptable que dans des mots tout à fait savants... Elle est très choquante quand il s'agit de mots fréquemment employés.""


Remarque pour l'italien : l'italien ne connaît pas les dégéminations ; les consonnes géminées à l'écrit sont géminées à l'oral : seppellire, stella, vacca, davvero, fatto, rosso, gabbia...


Dans un premier temps, la gémination protège les consonnes doubles intervocaliques des sonorisations (vers l'an 400) : les sons /p, t, k, s, f/ sont maintenus. Les sons /b, d, g, y, l, m, n, r/ sont également maintenus. Tous ces sons étaient géminés.


Dans un deuxième temps, vers le VIIe siècle, les dégéminations se réalisent : les sons ci-dessus se prononcent de façon plus brève. 


Lorsque l'occitan apparaît à l'écrit (Xe-XIe siècles), les descendants populaires des mots latins comportant des géminées s'écrivent en général avec consonne simple ; les consonnes doubles représentant une graphie latinisante (sauf pour r et s, voir ci-dessous) :


ăddūcĕrĕ > AO aduire, adurre, aduzer "amener"

ăffĭrmārĕ > AO afermar "attacher, renforcer"

bŭccă(m) > AO bca "bouche"

...


Remarque : les préfixés latins en ăd- montrent très généralement une assimilation de d par la consonne suivante ; donc ils fournissent de nombreux exemples de mots avec consonnes géminées.









bb > b


abbātĕm > AO abat "abbé"

ăd + brĕvĭārĕ > abbrĕvĭārĕ > AO abreujar "abréger"



cc > c


*blaccă(m) > blaca "taillis"

bŭccă(m) > AO bca "bouche"

vaccă(m) > AO vaca "vache"



Voir aussi les palatalisations cce, cci :


baccĭllŭm > bacèu

baccīnŭm > bacin


Voir aussi les palatalisations cc + ĭ, ĕ + voyelle.




dd > d


ăddūcĕrĕ > AO aduire, adurre, aduzer (mais addusir : graphie latinisante d'une variante obtenue par voie savante) "amener"




ff > f


ăd + fĭrmārĕ > ăffĭrmā> AO afermar "attacher ; consolider"

ŏb + fĕrrĕ > offĕrrĕ > ofrir "offrir"




gg > g


ăggrăvā > AO agravar "alourdir ; aggraver"



jj > j


Le groupe jj ne semble pas avoir été écrit, mais il doit se confondre avec dj ou j simple : voir réalisation de yod.


(Les mots latins préfixés avec ăd montrent généralement une assimilation de d par la consonne suivante : voir préfixés avec ăd, donc on peut considérer que ădjŭngĕrĕ est équivalent à *ăjjŭngĕrĕ).


ădjŭngĕrĕ > ajónher "réunir"

ădjūtārĕ > ajudar "aider"




ll > l / lh


(GIPPM-2:148-150)


avellānă(m) > avelana "noisette"

bĕllă(m) > bèla

bĕllŭ(m) > bèu

bŭllicāre > bolegar

bŭllīrĕ > bolir

căballăm > cavala "jument"

căballārĭŭ(m) > cavalier

gallīnă(m) > galina

stellă(m) > estèla "étoile"



Aboutissement lh en languedocien occidental

(GIPPM-2:149)

(e.d.a.r.o.) L'évolution ll > lh "se rencontre dans les parlers languedociens voisins du catalan ; il semble assez régulier à l'Ouest (hautes vallées de l'Aude et de l'Ariège, Sault, Donezan et Capcir), tandis qu'à l'Est (Fenouillet, Peirepertusès, Termenès, narbonnais Sud) il est limité à certains parlers et à certains mots."


căballăm > cavalha "jument"


Voir aussi ci-dessous -llī, -nnī.


Pour esquilhar (dérivé de squilla ?), il est possible d'invoquer *squillea.


Pour les groupes ll + ĭ, ĕ en hiatus (pĭllĕŭm > pelha "haillon") :

voir ll + ĭ, ĕ en hiatus.




mm, nn


Il s'agit de cas particuliers : voir ci-dessous nasales géminées



pp > p


ăd + pārēscĕrĕ > ăppārēscĕrĕ > AO apariser (aussi appareysser) "apparaître"




cqu > qu


ăd + quīrĕrĕ > ăcquīrĕrĕ > AO aquerir, aquȩrre "acquérir"





rr, ss

 

Il s'agit de cas particuliers : voir ci-dessous cas de rr et ss.




tt > t


-attăm > -ata (auvernhata)

ăd + tĕndĕrĕ > ăttĕndĕrĕ > AO atndre "faire attention à"

*auctorĭdĭă(IPHAF:47) > *auttrediare > AO autrejar "octroyer"

battŭĭs > *battĭs > bates "tu bats" (voir battŭĕrĕ)

Brĭttānĭă(m) > Bretanha "Bretagne"

cattăm > cata "chatte"

*fŭttŭis > *fŭttis > fotes "tu fous" (voir *fŭttŭĕrĕ)

glŭttōnĕ(m) > AO gloton "glouton"

gŭttă(m) > AO gota "goutte"

mĭttĭs > metes "tu mets"




vv > v


ădvenīrĕ > *ăvvenīrĕ > AO avenir "avenir"

ădventŭm > *avventŭ > AO avent "avent"

ădventūrăm > *avventūră > AO aventura "aventure"


(obvium > it. ovvio "évident")




B. Cas de rr et ss

Il y a bien eu dégémination, mais la prononciation est restée dure :


rr /r/ ou /rr/ ? > rr /r/ en général réalisé aujourd'hui /ʁ/ dans le domaine étudié

ss /ss/ > ss /s/


Pour le français :

CE:GP:566-567 "Le français ne connaît plus de géminées. [...] Font exception les digraphes tt, rr, ll, les deux premiers étant prononcés, selon certains grammairiens du 16e siècle, avec une plus grande intensité que la consonne simple, et le dernier pouvant représenter l'antériorisation de la latérale."


Quand on a écrit l'occitan aux Xe, XIe siècles (après les dégéminations), il convenait de faire la distinction entre les prononciations de r et s restées dures (/r/ et /s/), et les prononciations de r et s simples intervocaliques (/ɾ/ et /z/). 


- Le r simple intervocalique n'avait pas subi de modification depuis le latin /ɾ/, ou peut-être // ; il est toujours prononcé ainsi dans plusieurs régions occitanes (//).


- Le s simple intervocalique avait subi les sonorisations, donc il se prononçait /z/, transcrit /z/ ou /s/ en AO, maintenant s.


Un moyen simple était de conserver à l'écrit la gémination, mais d'autres règles graphiques existaient en AO. D'où les écritures AO asegurar/assegurar, asemblar / assemblar, arestar/arrestar, areire/arreire/arier... Aujourd'hui, les normes occitanes (classique et mistralienne) transcrivent toujours ces sons durs en rr et ss ; le français ne distingue que ss et s.




rr > rr


rr /r/ ou /rr/ ? > rr /r/ en général réalisé aujourd'hui /ʁ/ dans le domaine étudié


Voir les explications juste ci-dessus.


(GIPPM-2:148)

(e.d.a.) "-rr- > -r- dur, noté -rr- entre voyelles, -r en finale romane"


ăd + rĕstārĕ > *ărrĕstā > arrestar "arrêter"

ăd + rĕtrō > *ărrĕtrō > arrier "arrière"

fĕrrŭm > fèrre, fèrri "fer"

pŏrrŭm > pòrre, pòrri "poireau"

sĕrārĕ > *sĕrrārĕ > serrar, sarrar "fermer"

sĕrrăm > sèrra "scie ; crête dentée"

tĕrrăm > AO tȩrra > tèrra "terre"

verrūcăm > berruga, barruga "verrue"

a.b.fr. *werra > guèrra "guerre"


Dans plusieurs régions occitanes, on distingue à la prononciation deux r correspondant à r et rr étymologiques.




ss > ss


ss /ss/ > ss /s/


Voir les explications juste ci-dessus.


ăd + sēcūrārĕ > *ăssēcūrārĕ > assegurar "mettre en sécurité"

ăd + sĭmĭlārĕ > assĭmĭlārĕ > assemblar "rendre semblable"

bassă(m) > bassa "basse"

lassă(m) > lassa "lasse, fatiguée"

mĭssă(m) > messa "messe"

nassă(m) > nassa "nasse"

passārĕ > passar "passer"

pressārĕ > pressar "presser"


fĭssă(m) > fr "fesse"




Voir aussi voyelle + ssĭ, ssĕ + voyelle (messĭōnĕm > meisson "moisson").


À étudier :

glŏssă(m) > glosa "glose", voir buglossa(m) > buglossa, buglosa.

(tabassar > tabasar : il s'agit du suffixe -assar)



Type Măssĭlĭă > Mansilia


Voir Hypercorrections de type Măssĭlĭă > Mănsĭlĭă.






C. Cas des nasales géminées : mm et nn


Remarque : voir la graphie française de type "couronne" (< cŏrōnăm) qui ne reflète pas une gémination latine, mais une nasalisation en a.fr..


Les géminations latines mm et nn  sont étudiées notamment dans DGmmnn. Il y a souvent eu simplification (dégémination), mais parfois des différenciations ont eu lieu : 




mm > m ou mb


(aussi ci-dessus cŏlŭmnăm > colombe)


nn > n ou nd


(aussi ci-dessus cŏlŭmnăm > colonde)

1. mm > m / mb

En général, mm > m :


mais parfois des différencations ont eu lieu :


mm > m ou mb


(aussi ci-dessus cŏlŭmnăm > colombe)


ăd + mīrāri > ammīrāri > AO amirar "admirer"
ăd + mĭttĕrĕ > ămmĭttĕrĕ > AO amtre "mettre ; admettre"



Exemples de différencations :


On a très peu d'exemples.


L'auteur Louis Remacle remet en cause l'étymologie de "flamber", traditionnellement considéré comme un dérivé de flammŭlă (ci-dessus), au profit de flammāre (DGmmnn:120 et suivantes, 140 et suivantes...). Donc : mm > mb.





2. nn > n / nn / nd



nn > n / nn / nd


(aussi ci-dessus cŏlŭmnăm > colonde)

Voir aussi ci-dessus ann > aun.


a. nn > n / nn, problèmes d'orthographe


La situation est complexe et mal élucidée.


Souvent on observe une dégémination simple :


pĭnnă(m), (pennăm) > (AO) pna "penne, plume"


Mais en AO on trouve aussi la variante pennat "garni de plumes ; pourvu d'ailes" (DOM), sans qu'on sache s'il s'agit d'une graphie simplement latinisante, ou si le mot était réellement prononcé avec n géminé.


Pour cannă "canne", le résultat est constant avec n simple : (AO) cana. Graphie classique : cana.


Pour cannăbĭs / cannăpŭs "chanvre", le nn intervocalique aboutit partout à n, voir notamment canet [kanét] (parties de la Haute-Garonne, de l'Ariège où l'on a annada, voir ci-dessous). Aussi : [kãnét] (Le Mas-d'Azil dans l'Ariège).


Pour "année" (< *annătăm voir CNRTL) : on ne trouve en AO que anada mais anal / annal "annuel" (DOM). Par ailleurs l'ALF (carte 0044) montre une partie du Sud-Ouest de la France où l'on prononce n géminé : [annado/a], [onnado/a] (Tarn, Haute-Garonne, Tarn-et-Garonne, Aveyron, Lot, partie du Lot-et-Garonne, Cantal, Lozère, Ariège à Castillon). Certaines régions n'ont que an, anh (cat any), ou bien ongan, enguan [é̃gwã] < hōc annō. L'ALF ne donne jamais de prononciation nasalisée [ãn(n)ado/a], mais il faudrait étudier davantage cet aspect : les gens du sud-ouest disent souvent en français [ãn(n)é]. La graphie classique actuelle a choisi nn comme norme : annada, en raison de la prononciation géminée [nn] dans la zone géographique concernée (graphie mistralienne : TDF annado, anado). De même pour la famille de an : (DOGMO) annat "âgé", annal "annuel", annalament "annuellement", annals "annales",  anniversari "anniversaire", annuari "annuaire", annuitat "annuité", perènne "pérenne"... Je ne sais pas si le n est prononcé géminé dans les régions concernées pour anniversari, annal (annual)... En catalan, on a : anual, anualment, aniversari, anuari, mais annals, perenne.


Pour les équivalents de "dîner" (< dĭsjējūnārĕ), les variantes AO sont dinar, dinnar, disnar, dirnar. L'ALF:385 "déjeuner, faire le repas de midi", donne des occurrences de [dinna] dans : Landes, Pyrénées-Atlantiques, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Hérault, et des occurrences majoritaires de [dinna] dans le sud du Lot, de nombreux territoires de Haute-Garonne, d'Ariège, ouest de l'Aveyron, Tarn, Aude. La notation [nn] est assez mystérieuse dans l'ALF, et on peut se demander dans quelle mesure la nasalisation n'a pas été notée, comme dans annada ci-dessus.


Pour le prénom "Anne" (< Hannah) : DOGMO Anna, TDF Ano, (l) Anno, cat Ana. Il faudrait avoir des données fiables sur la prononciation dans le Sud-Ouest.



Le DOGMO donne nn pour des mots préfixés savants : annèxe, annexion, connectar, connivéncia, connotacion...




Conclusion :


Il faudrait approfondir l'étude avec des données précises sur la prononciation. La conservation de nn à l'oral semble s'étendre à sept ou huit départements du Sud-Ouest, seulement pour quelques mots (au moins annada "année"). Lexique-provence respecte l'orthographe du DOGMO, qui a l'avantage de montrer une homogénéité pour la famille de "an, année".


En Provence, le n n'est jamais prononcé géminé, comme aucune autre consonne.


Remarque (mots composés) : Dans certains dialectes à l'ouest du Rhône, le n prononcé géminé existe aussi dans des mots composés, comme capnegre, capnegra (avec assimilation de p à n : [kannégré] (nom de différentes espèces d'oiseaux à tête noire ; Orchis ustulata, plante à cime foncée). (Voir TDF, DOGMO).







b. nn > nd

Remarque : on connaît aussi quelques cas inverses nd > nn (ci-dessus).


L'évolution nn > nd est une différencation :


hĭnnīre > AO endir "hennir"

*hĭnnītŭlāre > *enditlare > endilhar "hennir" (DGmmnn:47-48).


Johannes "Jean" > Joan

- dérivés en -nd- : P-d-D Jouandet, Jouandon, Jouhandeau, aussi béar Joandon /djwa/... (avec probablement une influence analogique des dérivés de Durand : Durandeau, Durandet, Durandin) (voir DGmmnn:49).




pré-lat *varennam > "garenne",   topon. Varennes, Warennes, La Garenne, La Warenne, La Varenne..., 

- variantes en -nd- : (m.fr. 1528) garande "retraite d'un cerf", AO garenda "garenne de chasse", noms de hameaux : Les Varandes (Savoie, Arvillard, corrigé en note en "Les Varandets"), etc., Jersey : guérande, guéranne, varines pl. "terres humides et mauvaises", etc. (DGmmnn:51).


capannam > "cabanne", chavana...

- variante en -nd- : chavande (vosgien méridional "bûcher de la Saint-Jean", et Bourgogne) (DGmmnn:56).








D. Cas de -llī, -nnī

 

-llī, -nnī

Possibilité de -llī > -lh, -nnī > -nh

Voir pluriels masculins assymétriques (Réfection des déclinaisons).






X. Groupes triconsonantiques

(GIPPM-2:156 et suivantes)