Partie en chantier (pour le moment, elle est complètement désorganisée)
Dans l'œuvre de J. Ronjat, il existe une longue partie traitant des assimilations et dissimilations, consonantiques et vocaliques, au contact et à distance (GIPPM-2:340-396).
Pour les assimilations et dissimilations à distance, dont je traite ici, ma source principale est GIPPM-2:357-396.
Pour les assimilations et dissimilations vocaliques au contact : voir contact entre deux voyelles.
Pour les assimilations et dissimilations consonantiques au contact : voir évolution des groupes consonantiques.
Il s'agit d'une forme de dilation.
Exemples :
cĭrcŭlŭ(m) > cercle > celcle > ceucle "cercle" (GIPPM-2:342, 375).
lŏlĭŭm "ivraie" > *lĭŏlĭŭm (FEW 5:401a) (puis dissimilation ly-ly > iolium attesté dans les gloses de Ripoll, Xe siècle, LGDR(suite):138) > juelh "ivraie".
vervex/vervix, vervīcĭs : vervīcĕ(m) > verbīcĕ(m) (rv > rb) ; puis verbice > berbice (PHF-f3:798) > AO berbitz "brebis", (pour le fr "brebis", voir le type corpatàs > cropatàs).
Dornonia
> Dordonha [d
Attestations écrite pour "Dordogne" (cours d'eau) :
(VIe siècle) Dorononia > (VIIIe siècle) Dornonia > (IXe siècle) Dordonia.
La transformation n > d est autant une assimilation au premier d qu'une dissimilation par rapport au deuxième n (/ñ/) : voir ci-dessous dissimilation pour Dorononia.
« Les sifflantes [=
circare > a.fr. cerchier > fr "chercher"
J. Ronjat présente vingt lois de dissimilation numérotées en chiffres romains de I à XX, tirées de Maurice Grammont (DCLIELR, ainsi qu'un complément du même auteur dans Notes sur la dissimilation, in RLR 1907, p. 273-310, in GIPPM-2:367). Maurice Grammont a par la suite modifié ses lois et ses définitions dans TP:270 et suivantes.
Jules Ronjat donne des exemples occitans dans lesquels il estime reconnaître ces lois. Voici ce qu'il exprime à propos des dissimilations à distance :
(GIPPM-2:358-359)
"On trouve dans de nombreux ouvrages des exemples isolés de dissimilation cités comme s'ils représentaient des accidents troublant la régularité de l'évolution phonétique. C'est une vue fausse. Les formules régulières de dissimilation sont des lois phonétiques au même titre que celles qui définissent l'évolution des phonèmes pris à part, et, l'application d'une de ces formules ayant été reconnue dans certains cas pour une époque donnée dans un idiome donné, il faut toujours rechercher si les cas de non-application ne comportent pas une explication particulière par les conditions de résistance propres à chaque exemple. Il n'existe pas d'exception aux lois phonétiques nommées dissimilation ; il y a des lois de dissimilation dont l'action peut être entravée ou renversée par des conditions particulières."
À la suite de Maurice Grammont, Jules Ronjat distingue plusieurs types de positions de consonnes.
-
(comme dans "argent")
;
-
(comme dans "cheval",
"argent", "car")
-
(DCLIELR:17) : "toute consonne explosive qui suit
immédiatement une consonne implosive" ;
(TP:270 "consonne qui est séparée de la voyelle
précédente par une autre consonne ; pratiquement c'est une consonne
explosive précédée d'une consonne implosive. Un groupe combiné peut être
appuyé").
-
Selon DCLIELR:17, TP:270 "consonne qui fait partie d'un groupe combiné" ;
- "intervocalique" ;
L'acception de J. Ronjat est obscure ; le
mot est apparemment employé aussi pour des consonnes initiales, sans que
l'auteur s'en explique, probablement en considérant l'ordre
Jules Ronjat (GIPPM-2) envisage trois types de forces, qui permettraient aux consonnes de dissimiler l'autre consonne dans le même mot :
- position
- position
- la position en deuxième dans le mot (qui dissimile la position en premier) ;
D'où les trois parties de l'auteur :
- Le phonème dissimilant doit sa force à sa position sous l'accent tonique ;
- Le phonème dissimilant doit sa force à sa
position dans la syllabe ;
- Le phonème dissimilant doit sa force à sa
position vers la fin du mot.
(TP:269-270 range les trois types de force ci-dessus parmi la force "mécanique" et la force "psychique", mais sa classification me paraît incohérente).
1. Le phonème dissimilant doit sa force à sa position sous l'accent tonique
Loi I. "
*Arvernia > Alvernha "Auvergne"
Loi II. "Le second élément d'un groupe combiné tonique dissimile le second élément d'un groupe combiné atone" (GIPPM-2:370).
frāgrārĕ > flāgrārĕ "flairer"
Loi III. "
(sans application en occitan : GIPPM-2:368)
Loi IV. "Combinée tonique dissimile intervocalique" (GIPPM-2:370).
pĕrĕgrīnŭs
> pĕlĕgrīnŭs
"pèlerin"
Loi V. "Combinée tonique dissimile implosive atone" (GIPPM-2:371).
arbītrārĕ > *albītrārĕ "être témoin
; arbitrer ; penser, juger", voir aubire.
Loi VI. "Implosive tonique
dissimile
perdīcĕm
> * [perdidz'é]
> landais *[perlidz'é] > perlits [perlits]
"perdrix" (voir -ce- en position faible : c est passé par un stade /
Loi VII. "Implosive tonique dissimile combinée tonique" (GIPPM-2:371).
suau
*[swaw] > AO siau
[syaw] "doux ; sage"
2.
Le phonème dissimilant doit sa force à sa position dans la syllabe
Loi VIII. "Explosive
quīnquĕ
> cīnquĕ
"cinq"
Loi IX. "Combinée appuyée dissimile combinée non appuyée" (GIPPM-2:374).
prendre > pendre (12, 15,
43, 46)
"prendre"
Loi X. "Appuyée non combinée dissimile appuyée combinée" (GIPPM-2:374).
*prenre > (Queyras, aurillacois, Capcir) penre "prendre"
Loi XII. "De deux
consonnes séparées par une
augua
*[awgwa] > aigua *[aygwa] > aiga "eau", voir ăquă
carpĭnŭm > *carpre > AO calpre "charme (arbre)"
Loi XIII. "Appuyée dissimile implosive non tonique" (GIPPM-2:376).
Loi XIV. "Implosive dissimile intervocalique" (GIPPM-2:376).
Loi XV. "Implosive dissimile combinée atone" (GIPPM-2:377).
Loi XVI. "Intervocalique dissimile combinée atone" (GIPPM-2:379).
3. Le phonème dissimilant doit sa force à sa position dans le mot
XVII. "De deux phonèmes intervocaliques, c'est le premier qui est dissimilé" (GIPPM-2:381).
XVII bis. "Le premier élément d'un groupe combiné dissimile le premier élément d'un groupe combiné précédent" (GIPPM-2:382).
XVII ter. "Géminée dissimile géminée précédente" (GIPPM-2:383).
XVIII. (Pas d'application en occitan : GIPPM-2:368).
XIX. "De deux combinées atones, c'est la première qui est dissimilée" (GIPPM-2:384).
clāvīcŭlăm > *clāvīclă > cāvīclă (> cavilha, "cheville")
XX. "De deux implosives atones, c'est la première qui est dissimilée" (GIPPM-2:384).
J'ai passé beaucoup de temps à étudier ces lois, et à tenter de
"ranger" de nouveaux mots parmi ces lois, mais cela m'a mené à une
impasse. Ces lois sont complexes, parfois obscures, avec des exemples
parfois critiquables ou difficilement compréhensibles. Mais je ne suis
qu'un amateur. Il faut constater qu'elles n'ont guère été reprises par
la suite, mais peut-être par paresse intellectuelle (?). À étudier,
donc.
Notion
de dissimilation renversée :
Pour illustrer le manque de cohérence
qui me paraît se dégager de ces lois, je cite les
dissimilations renversées. Par exemple les toniques devraient
selon l'auteur dissimiler les atones ; mais outre que les exemples ne
sont souvent pas convaincants du fait des accents toniques latins
variables selon le cas grammatical ou selon la forme verbale, les
dissimilations renversées sont souvent invoquées : cela signifie que les
atones dissimileraient les toniques dans certains cas. Voir l'exemple de
flēbĭlĭs ci-dessous.
La notion de dissimilation renversée est reprise récemment dans les refontes de FEW (exemple : 25:263b : dans armarium : dissimilation renversée r-r > z-r : "Rieut." izmári "armoire", AO Valréas année 1477 HLPA 5:173 eymar "caisse, armoire, coffre", lim eimari "armoire, buffet", etc., in FEW 25:258a, mais cet exemple n'est pas clair pour moi : les deux r de armarium).
Loi I : *Arvernia
> Alvernha (implosive-implosive)
(GIPPM-2:369)
J. Ronjat dit : "
r-r > l-r (devant consonnes)
(GIPPM-2:369)
(germ haribergôn) > AO arberga > AO alberga "(il) héberge" (voir GIPPM-2:369).
Gordānĭcăs > *Gordargas > *Goldargas > Godargas "Goudargues" (30) (voir GIPPM-2:369)
Exemple peu convaincant :
*palpilla > *parpilla > parpèla "paupière" (GIPPM-2:369) ; J. Ronjat donne palpĕbră x papĭllă > *palpĭllă ou *palpĕllă, mais FEW 7:520b, propose palpĕtră (variante de palpĕbră) > *palpĕtŭlă > *parpĭlla.
Loi II : frāgrārĕ > flāgrārĕ,
flēb(ĭ)lĭs >
*fēblĭs
(GIPPM-2:370)
Entre deux muta cum liquida, la liquida de la tonique dissimile la liquida de l'atone.
(J. Ronjat énonce ainsi la loi : "le second élément d'un groupe
combiné tonique dissimile le second élément d'un groupe combiné
atone".)
"Tonique
dissimile atone" ou "atone dissimile tonique"
?
Je pense que le sens "tonique" dissimile "atone" est incertain ; la loi
peut sans doute s'exercer aussi bien dans l'autre sens : "atone"
dissimile "tonique".
En effet ce dernier sens est prouvé dans flĕb(ĭ)lĕ > freble,
feble (> "faible"). Il s'agirait donc d'une dissimilation
renversée.
D'autre part, pour frāgrārĕ
> flāgrārĕ
(> "flairer"), on ne peut pas trancher entre une dissimilation dans
les formes
Enfin, les exemples de J. Ronjat *crancru
> crancu et *flambla >
flamba sont incertains (voir ci-dessous).
Dès le latin antique, la forme dissimilée *fēblĭs a dû exister ; dans le sud de la France la dissimilation semble s'être faite surtout pour donner freble (FEW 3:617b). Il semble donc que le groupe atone a dissimilé le groupe tonique. J. Ronjat parle de dissimilation renversée.
En AO,
les formes f
frāgrārĕ > flāgrārĕ ; ou frāgrăt > flāgrăt
Dès le latin antique (époques à vérifier), on connaît les trois formes
frāgrārĕ, flāgrārĕ, frāglārĕ.
Le point de départ est bien frāgrārĕ, voir la
racine indo-européenne
La forme dissimilée flāgrārĕ
est à l'origine des formes du territoire de la Gaule (FEW 3:747b) (flairar,
"flairer"...). Selon J. Ronjat, c'est la forme
Loi III : "
Voici l'exemple que je propose :
*Dornonha
> Dordonha "Dordogne" (cours d'eau)
(VIe siècle) Dorononia
> (VIIIe siècle)
Dornonia > Dordonha [d
Ici la transformation n
> d est autant une assimilation au premier d
qu'une dissimilation par rapport au deuxième n
(/ñ/), voir ci-dessus assimilation pour Dorononia.
Loi IV : pĕrĕgrīnŭs > pĕlĕgrīnŭs
(GIPPM-2:370)
Une muta cum liquida tonique dissimile une liquida intervocalique (ou initiale).
pĕrĕgrīnŭs > pĕlĕgrīnŭs
"pèlerin"
prūrīrĕ > prūdīrĕ,
mais aussi plūrīrĕ "démanger" (FEW 9:498b). La forme prūdīrĕ
est à l'origine de l'occitan prusir
"démanger". J. Ronjat estime que l'origine de la dissimilation prūrīrĕ
> prūdīrĕ se trouve dans la forme
Je donne aussi un item de Prob, où la muta
cum liquida n'est pas tonique (l'accent a été sur la première
ou la deuxième syllabe selon les époques) :
terebra non
telebra "tarière".
contrari
> AO contrali,
contrazi.
Loi V. Arbītrārĕ > *albītrārĕ
(GIPPM-2:371)
Une muta cum liquida tonique dissimile une liquida devant consonne.
J. Ronjat énonce la loi ainsi : "Combinée tonique dissimile implosive
atone".
arbītrārĕ
> *albītrārĕ
"être témoin ; arbitrer ; penser, juger".
Là encore, il est difficile de juger si c'est la tonique qui a
dissimilé l'atone, ou bien l'inverse. La dissimilation a pu aussi se
réaliser dans les formes
Loi VI. Perdīcĕm > perlits
(GIPPM-2:371)
J. Ronjat dit : "Implosive tonique dissimile
Cette loi considère que dans perdīcĕm, le r
est "implosif tonique" (alors que son caractère tonique n'est pas
évident !). Le r battu et le d étant tous les deux des consonnes
Perdīcĕm > (Landes) perlits
"Une appuyée atone est dissimilée à plus forte raison" :
Dérivé de garnir : garniment
> (pér)
garliment
"charrue" (r est une
Loi VII.
Une implosive tonique dissimile une muta cum liquida tonique.
J. Ronjat dit : "Implosive tonique dissimile combinée tonique."
Je ne comprends pas cette loi.
Une combinée atone est dissimilée à plus forte raison : *globel
> *grobel > grober "meule de gerbes"
Loi VIII.
quīnquĕ /kwinkwé/ > */kinkwé/ > */tsinké/ > cinc "cinq" (GIPPM-2:372)
quīnquāginta > */kinkwaːginta/ > cinquanta "cinquante" (GIPPM-2:372)
pīpĭōnĕm > *pīvĭōnĕm "pigeon" (GIPPM-2:373)
jŏcārĭ
: jojar > joar
(GIPPM-2:86-87)
paupĕrĕm > paupĕrum : paup(e)ru > paubre "pauvre" (GIPPM-2:374). Voir dissimilations de labiales ci-dessous.
(lat.méd.) Monginum (?) > Mogins "Mougins" (06)
līlĭŭm > lĭŏlĭŭm
(FEW 5:401a) (dissimilation > *jolium,
ou *diolium
"ivraie" (occitan juelh)
Loi IX.
prĕhendĕrĕ > prēndĕrĕ > prendre > parl.querc.... pendre "prendre" (sinon préner est général, construit par analogie sur pren < prĕhendĭt "il prend") (GIPPM-2:374)
presbyter > *presbter > prestre > lim, auv pestre "prêtre" (GIPPM-2:374)
Loi X.
prĕhendĕrĕ > prēndĕrĕ > *prenre > Queyras, aur., Capcir... penre "prendre" (voir aussi ci-dessus pendre) (GIPPM-2:163)
Loi XI.
prĕhendĕrĕ > prēndĕrĕ > prenre > parl.querc.... pendre "prendre" (sinon préner est général, construit par analogie sur pren < prĕhendĭt "il prend") (GIPPM-2:374-375)
Loi XII.
aqua(m) > agua > augua> aigua > aiga (GIPPM-2:375)
à mettre à part (?) :
n-n >
(l)-n
Bŏnōnĭă(m) > it Bologna (ville d'Italie), "Boulogne" (ville de France, 62). Je pense que les villes appelées Cŏlōnĭă, comme Cologne en Allemagne, ont nettement favorisé la dissimilation.
Barcĭnō (ou Barcĭnōn), -ōnis, Barcĭnōna > cat Barcelona (ville de Catalogne).
Voir "fermeture
de voyelle devant lh, nh".
Étudier : *Benarnum (peuple des Benarni) > Bearn > (ea > ia) Biarn ("Béarn", région des Pyrénées-Atlantiques).
Le processus de dissimilation de labiales est parfois cité dans des
ouvrages ; il permet d'expliquer des disparitions de
Voir par exemple amuïssement de waw par dissimilations de labiales, amuïssement de b par dissimilation de labiales.
paupĕrŭm
> paure "pauvre", voir la synthèse à "Sonorisations" : paupĕr.
L'évolution latine blasphemare
>
Ce processus est cité dans LEDLAG:351 :
th-d > lat th-g
th-d > gr ch-d
punique qart
|
lat Carthāgo |
gr Karkhêdón Καρχηδών |