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Réflexion : le latin, l'évolution de la langue...
14-02-2023

 Pour le moment, cette partie est à peine ébauchée.



I. Le latin

Quel latin ? Mettre ici la partie "Latin" de "Clivage oc/oïl"


Connaissance du latin




Avertissements

1. D'une manière générale, dans les études linguistiques traitant du passage du latin à l'occitan, et même du latin au français, peu de datations absolues sont données. Je me risque ici à donner des dates en étant conscient que de nouvelles données peuvent remettre en cause l'édifice. Je tente de me raccrocher notamment à des dates proposées par François de La Chaussée (IPHAF) concernant le français ou le gallo-roman. Ce dernier auteur propose des datations qui peuvent sembler trop précises au regard des réalités des changements phonétiques d'une langue. Ces changements n'ont pas manqué d'affecter d'abord certaines régions, certaines catégories sociales, et ils ont dû mettre beaucoup de temps pour s'imposer à tout un domaine linguistique, face aux résistances diverses. Voir par exemple les incertitudes sur la date des sonorisations. L'ensemble des dates proposées dans cette partie doit donc plutôt être considéré comme une hypothèse de travail, avec mes tâtonnements concernant l'histoire de l'occitan, que comme une datation incontestable.


2. J'ai en général traité d'un coup les conséquences d'un phénomène dès qu'il s'amorçait (exemple : la consonification de ĕ, ĭ en hiatus se produit au Ier siècle, et j'en ai traité les conséquences se poursuivant au moins jusqu'au IVe siècle).


3. Comme dans tout domaine de recherche, l'étude de la littérature scientifique laisse apparaître certaines contradictions et de nombreuses zones d'ombre. La rédaction de cette partie synthétique met donc en relief ces contradictions et ces zones d'ombre, et j'ai été contraint à plusieurs reprises d'intégrer des nouvelles positions d'auteurs, rendant la lecture certainement ardue. Je pense notamment aux problèmes de la gémination des consonnes latines devant yod, et de la possible prononciation /β/, /ð/, /ɣ/ de b, d, g latins intervocaliques.


 



Critique personnelle des commentaires contemporains sur les grammairiens romains

Parmi les linguistes contemporains qui commentent les grammairiens romains, une habitude fâcheuse a régné et se maintient toujours : celle de citer les passages latins sans jamais les traduire, comme si leur sens était évident pour le lecteur. Si le sens a pu paraître clair jusque vers le milieu du XXe siècle, où les lecteurs étaient supposés bien connaître le latin, c'est bien loin d'être le cas aujourd'hui ; le latin classique est une langue difficile et parfois sujette à interprétation (voir par exemple les traductions de google quasiment toujours erronées). Et même, certains passages latins reconnus plus tard comme corrompus par les copistes car sans aucun sens, ont été cités par des linguistes à l'appui de leurs démonstrations (voir par exemple le passage de Térencien De litteris, 210). De nos jours sur le plan scientifique, l'absence de traduction est donc une lacune importante, quand il ne s'agit pas d'une supercherie. Heureusement, un virage est amorcé grâce à certains auteurs consciencieux qui prennent la peine de traduire les extraits latins : PHL4, RDL,TGALGL...


Dans lexique-provence, j'ai toujours traduit les extraits latins (comme des autres langues). Les traductions du latin sont souvent accessibles de façon complètement dispersée dans la littérature philologique. En général, je tente de confronter plusieurs traductions pour mesurer la fiabilité. Mais parfois aucune traduction n'est disponible ; je propose alors ma propre traduction.




Quelques réflexions sur l'évolution de la langue latine (puis occitane)
1. Lien entre l'écrit et l'oral

Le latin classique lui-même n'est connu que par un système graphique qui, pour une bonne part, doit interroger.

(ALLRL:1) "On ne saurait trop se défier du système phonologique et graphématique a priori évident de la langue latine, qui, sous couvert d’une orthographe unifiée et littéraire, enferme des obscurités dont on peine à rendre compte. On sait dorénavant, grâce aux travaux de Dressler (1973) portant sur le problème du phonostyle en latin, que l’écrit ne reflète qu’assez médiocrement la réalité articulatoire de la langue parlée [...]".


On dispose de textes écrits sur le territoire de l'Empire romain sur une période à peu près ininterrompue de 2000 ans, mais dès la période latine, les systèmes graphiques n'ont sans doute reflété que d'une manière imparfaite la langue parlée. Les locuteurs ont pu lire pendant plusieurs siècles des textes latins en les prononçant "avec leur accent". Les premières étapes de l'évolution de la langue, dans les premiers siècles après J.-C., sont donc difficilement accessibles alors qu'elles concernent les transformations les plus radicales. Cependant dans certains contextes (graffitti : Pomp..., conseils pour "bien parler" : Prob..., gloses : Cassel...), les sources écrites apportent des indices précieux.


2. Mots latins non écrits

Certains mots du "latin vulgaire", sans doute très employés, n'ont apparemment jamais été écrits : il devait paraître incongru de les écrire, comme il serait incongru d'écrire des mots français familiers ou vulgaires dans les textes officiels ou dans les belles lettres. Ainsi l'origine de certains mots, parfois très courants, est difficile à reconnaître : anar "aller", termes démonstratifs composés latins ayant donné notamment aquò, aquí, aquest (bien que certaines formes fussent écrites par Plaute)... Plaute et Pétrone sont connus pour faire employer du "latin vulgaire", du latin familier voire grossier, par leurs personnages. Leur littérature apporte parfois des indices précieux. 

De même, de nombreuses variantes apophoniques cachées de mots latins peuvent être au moins soupçonnées d'avoir existé.


"Mots grecs de Marseille"
 

Certains mots semblent passer directement du grec à l'occitan, sans attestation latine.

Il s'agit de mots grecs introduits à partir des colonies grecques de la côte méditerranéenne, qui ont dû passer dans les langues locales souvent avant l'implantation du latin, puis qui sont passés dans le latin populaire du futur domaine d'oc.


agast
botiga
caça 2 (famille de "casserole")
calar
cha (a cha)
dòuça
empurar
estèu
fantauma : voir les histoires de f / p comme dans estubar (voir FEW, sud de l'Italie) phantasma
gofre, engofrar...

cremascle, crumascle "crémaillère" < kremaster

tautena
tian
trèule (trèfle)
tubar, estubar...
sphaera ?

(remarque pour le ph ancien grec : voir zamponha, pantais, estubar)

(remarque : emprunts anciens à l'italien (probables) : pichòt, agantar)



3. Mots d'ancien occitan non écrits

Par exemple, voir dérivés de ănĭmālĭăm, pourtant répandus géographiquement aujourd'hui (n-m).


esquilhar "glisser"



4. Facteurs d'évolution de la langue

L'évolution de la langue latine au cours des siècles est causée par de multiples facteurs, souvent dépendants les uns des autres, parfois opposés et souvent mal connus et mystérieux :


a. L'influence de substrats et de superstrats (influence des langues existant avant le latin, et des langues d'envahisseurs parvenant en Galloromania, notamment les francs).


b. Le raccourcissement des mots, dans un désir d'augmenter le débit parlé : voir notamment les syncopes et les apocopes.


c. Au contraire, l'abandon de mots latins classiques qui paraissent trop courts, pour adopter des mots plus expressifs : auris est remplacé par auricula "oreille", edō est remplacé par manducō "je mange"...


d. La volonté de simplifier une langue qui paraît complexe : voir notamment réfection des déclinaisons.


e. Le désir d'adopter "un bon parler", "une bonne prononciation", avec le désir d'imiter des élites (politiques, ecclésiastiques, militaires...), ou le désir d'imiter une tendance, une mode.


f. Les réactions d'élites (grammairiens, écrivains...) face à des prononciations ou des constructions paraissant choquantes, déformées par le peuple alors qu'il faudrait conserver "un latin pur", ou une langue telle qu'ils l'ont apprise.


g. Notions de "relâchement articulatoire", "renforcement articulatoire" :

Ces notions me paraissent souvent mystérieuses et artificielles.

Cependant, un phénomène qu'on pourrait appeler "relâchement articulatoire" a sans aucun doute exercé son action vers l'an 400 partout dans la Romania occidentale : il s'agit des sonorisations, avec l'adoucissement des consonne sourdes intervocaliques (vita > vida "vie").


Aussi : PHF-z:56 : (pour le domaine d'oïl) :  "Au VIe siècle, s'ouvre une période de relâchement articulatoire (v. spirantisation des dentales p. 64). Les voyelles a, e, o, encore intactes, se déséquilibrent dans leur tenue et la partie finale, non protégée par l'accent, se ferme d'un degré [...]" (voir diphtongaison française).