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Réfection des termes démonstratifs
11-02-2025


J'entends par "termes démonstratifs", comme dans ÉTDP, les adjectifs démonstratifs (ce, cette, ces...), les pronoms démonstratifs (celui, celle, ceci, cela...), et aussi les adverbes de la même famille étymologique (ici, là...).



I. Évolution générale des termes démonstratifs

Rappel : le latin possédait cinq voyelles brèves ă ĕ ĭ ŏ ŭ, et cinq voyelles longues : ā ē ī ō ū, voir quantité vocalique. Entre le Ier et le Ve siècle après J.-C., ces voyelles ont subi la mutation vocalique.



A. Un système latin fondé sur trois degrés d'éloignement (hĭc, ĭstĕ, ĭllĕ)


1. Système des pronoms-adjectifs hĭc, ĭstĕ, ĭllĕ

(IEHL:147-148)


Le système du latin classique comprenait trois pronoms-adjectifs démonstratifs : c'étaient à la fois des pronoms (ceci, cela, ça, celui-ci, ...) et des adjectifs (ce, cet, cette, ce... -ci, ...). Ces trois pronoms-adjectifs, déclinables, étaient :


- hĭc pour désigner un objet proche du locuteur : "cet objet près de moi ; ce" (hĭc, haec, hŏc, etc.) ;

- ĭstĕ pour désigner un objet proche de l'allocuteur : "cet objet près de toi ; ce" ;

- ĭllĕ pour désigner un objet éloigné : "cet objet près de lui, là-bas ; ce".



2. Système des adverbes de lieu dérivés de hĭc, ĭstĕ, ĭllĕ

(IEHL:147-148)


En ce qui concerne les adverbes, indéclinables, ils étaient obtenus à partir de hĭc, ĭstĕ, ĭllĕ ci-dessus, qui étaient dérivés par -īc, -ūc (ou -ōc), -ĭnc, -āc pour obtenir le système ci-dessous. Dans ces flexions, la finale -c avait un sens déictique (CNRTL "si1" < sīc).


- en -īc, adverbes de situation : hīc "ici, près  de moi", ĭstīc "là où tu es", ĭllīc "là où il est" ;


- en -ūc, adverbes de direction : hūc "vers ici, où je suis (avec idée de déplacement vers moi)", ĭstūc, ĭllūc (synonymes de hōc, ĭstōc, ĭllōc) ;


- en -ĭnc, adverbes d'origine : hĭnc "d'ici, où je suis (avec idée de déplacement à partir d'où je suis)", ĭstĭnc, ĭllĭnc ;


- en -āc, adverbes de passage : hāc "par ici, où je suis (avec idée de passage par où je suis)", ĭstāc, ĭllāc.



3. Autres systèmes de formes simples

(IEHL:147-148)


Par ailleurs, il existait le pronom-adjectif ĭs déclinable (ĭs, ĕă, ĭd, etc.), à valeur plutôt anaphorique, alors que le système hĭc, ĭstĕ, ĭllĕ avait plutôt une valeur déictique. Parmi les démonstratifs, on doit aussi citer ĭpsĕ "même ; lui-même".



4. Les systèmes de formes composées

(réflexions personnelles)


En plus des formes simples, les locuteurs employaient des formes composées de type eccĭllŭm (< eccĕ ĭllŭm) "le voilà !" ; eccĕ illa tempestas "Mais voici la tempête !" (Cic. prov. 43 in SL:325). La large répartition actuelle de leurs descendants comme adjectifs démonstratifs dans les langues romanes montre que ces formes composées sont devenues assez tôt des adjectifs démonstratifs (ce, cette).



a. Formes préfixées avec eccĕ


Des formes préfixées avec eccĕ "voici" sont attestés dès Plauteeccĭllă, eccĭllŭm, eccĭstăm. Le mot eccĭllŭm (Plaute) est traduit par "le voilà !" (SL:325).

On peut aussi reconstituer *ecciŏc < eccĕ hŏc, *eccīc < eccĕ hīc, *ecciac < eccĕ hac, voir ci-dessous premier affaiblissement.

Voir aussi l'étymologie de l'occitan aiç-.



b. Formes préfixées avec *accŭ

Des formes composées avec *accŭ (< atquĕ + eccŭm "et aussi + voici") peuvent être reconstituées :

*accŭ ĭstĕ > aquest

*accŭ ĭllĕ,

*accŭ hŏc,

*accŭ hīc,

Voir l'étymologie de l'occitan aqu-.



c. Autres formes composées

D'autres composés comme hĭnc hac (ou ad ?) hōra (> encara "encore").



Il faudrait approfondir les deux points suivants :


(1) Quel était le niveau de popularité de ces formes ? A priori les formes en *accŭ appartenaient à un registre très populaire puisqu'elles n'ont jamais été écrites, voir aqu-. Les formes en un seul mot comme eccĭllă, eccĭllŭm, eccistăm ne sont écrites que dans Plaute : elles étaient très certainement aussi considérées comme populaires.


(2) Ces formes exprimaient-elles un degré d'éloignement ; par exemple eccĕ exprimait-il une proximité ? Je ne sais pas le dire, mais de nos jours, en occitan, préfixés par ais-, les descendants de ces formes expriment une grande proximité (voir aiç-). Il en est de même pour le français : "ici", "ci", "çà".



 


B. Évolution du système latin dans les langues romanes

1. Survivance des traits sémantiques de quelques phonèmes

(réflexions personnelles)


Dans les langues romanes actuelles, on retrouve en général les trois degrés d'éloignement (près de moi, près de toi, près de lui), mais de profondes recompositions morphologiques ont affecté les démonstratifs latins fondés sur hĭc, ĭstĕ, ĭllĕ. Ces transformations sont variables selon les régions de la Romania, mais je dégage ci-dessous quelques traits communs aux langues romanes occidentales (probablement à étendre à la Romania orientale, à étudier). Ces traits communs participent donc à reconstruire le protoroman.


a. Groupe "est" < ĭstĕ

La recomposition la plus facile à dégager est le glissement sémantique des descendants de ĭstĕ (> ésté) depuis la proximité médiane (près de toi) vers la proximité maximale (près de moi) a.fr. cest ; oc aquest ; it questo ; esp este... Ce glissement est à relier à la quasi-disparition de hĭc en position proclitique. Ce fait a été reconnu par Fritz Abel (1971) dans les plus anciennes traductions de la Bible : un système à deux degrés d'éloignement s'est établi, où ĭstĕ tend à supplanter hĭc (F. Abel in RSDP:42).


Par ailleurs, ĭstĕ a perdu sa valeur d'adverbe de lieu pour se spécialiser dans sa valeur de pronom-adjectif (à mieux étudier).



b. Consonne "l" < ĭllĕ

La consonne l a tendance à conserver une signification d'éloignement : fr "là, lors, il, lui, elle, ils, elles" ; oc ailà, aquel (aqueu), el (eu), ela, elei ; it lì, là, quello, lui, lei ; esp allí, allá, aquél, él, ella, ellos, ellas. Mais la même consonne l (< ĭllĕ) est repérable dans les articles définis, où elle n'exprime plus l'éloignement : fr "le, la, les" ; oc lo, la, los, las, lei ; it il, la, gli ; esp el, la, los, las...


c. Voyelles i, a < hīc, hāc

 La voyelle i (< -īc) devrait exprimer l'immobilité, et la voyelle a (-āc) devrait exprimer le mouvement. Ces valeurs semblent aujourd'hui perdues dans les langues romanes. Mais en AO aiçà pouvait en effet exprimer un mouvement : "sens locatif ou unidirectionnel" (DOM "aissá"). C'est plus net en a.fr. ça : "En attendant, ça marquant mouvement est au XIIe et au XIIIe siècle très solide et fort employé. [...] les exemples de ça marquant repos sont, à cette époque, extrêmement rares, en dehors de la locution ça et la, qui s'emploie dans les deux cas" (EAL :435). Il faudrait étudier ce fait dans les autres langues.




2. Problème des préfixes i-, ai- en gallo-roman

(Je présente dans ce paragraphe un raisonnement personnel, octobre 2018)


Concernant la Gaule, un phénomène affecte de façon similaire le nord et le sud du territoire : l'apparition d'un préfixe devant les formes composées issues de eccĕ + démonstratif (formes avec sibilantes : ci, ça, ce, ço, cest, cel, celui...). Il s'agit de :

i- en Gaule du nord (> "ici", a.fr. iça, iço, icest, icel, icelui...) ;

ai- en Gaule du sud (> oc aicí, aiçà, aiçò, AO aicest, aicel...) ainsi qu'en Catalogne : això, així...


L'origine de ces préfixes est difficile à éclaircir ; il s'agit d'ailleurs peut-être de formes avec un s : ais- au sud, comme je propose (voir aiç-), et is- au nord.

On les trouve aussi devant d'autres formes : a.fr. ila, oc ailà, AO aiqui, aiquel, aiquest... Mais il est très probable que ce soit par influence analogique des formes avec sibilantes.


La similarité du phénomène au nord et au sud de la Gaule suggère une origine unique, mais la question reste ouverte. Pour l'occitan, je propose à l'article aiç- une origine ais (< adjăcēns) qui exprime la proximité. Il n'est donc pas impossible d'y voir la même origine pour le français i-, mais il est gênant de ne trouver aucune trace de cette diphtongue ai en français. (Certes on pourrait voir une évolution poussée en prétonique et en proclitique ai- > éi- > i- très précoce, ce qui aurait effacé toute trace de la diphtongue ai en français avant la période littéraire, alors que pour exīrĕ > a.fr. eissir, issir "sortir", voir "issue", la variante eissir montre encore la diphtongue ei, et *axĕllam > "aisselle", *axīlem > "essieu"). C'est une position purement personnelle ; la seconde solution est celle qui fait dériver i- de hīc ou de ĭbī (avec des questionnements, et cette hypothèse n'explique pas l'occitan ai-). On peut voir la préfixation par ai(s)-, i(s)- comme un moyen, aux premiers siècles après J.-C., de renforcer l'idée de proximité notamment dans les adverbes où cette notion de proximité s'était affaiblie.



Scénario général avec deux affaiblissements successifs compensés (pour la Gaule)
  

J'en arrive ainsi au scénario suivant :


Premier affaiblissement et sa compensation
  

Pour les formes simples hĭc, hīc, hāc, hŏc..., un premier affaiblissement a lieu, c'est-à-dire que ces mots, utilisés pour désigner la proximité maximale d'un objet ou d'un être, sont trop courts notamment avec l'amuïssement de -c (h est amuï aussi très tôt). Ils deviennent trop insignifiants dans la phrase.

Par ailleurs, leur fonction de pronom-adjectif disparaît au profit de ĭstĕ et ĭllĕ, qui eux, perdent la fonction d'adverbe de lieu et se spécialisent dans la fonction de pronom-adjectif. Le type hĭc disparaît complètement et laisse la place à ĭstĕ.


Ce premier affaiblissement est compensé dès le LPC (voire avant) par la préfixation par eccĕ pour désigner la proximité maximale :  eccĕ + hīc > *eccī(c), eccĕ +  hāc > *ecciā(c), eccĕ + hŏc > *ecciŏ(c). Ces formes ne sont pas reconnues comme étant dignes d'être écrites, elles restent du registre populaire. Par analogie, ĭstĕ et ĭllĕ sont aussi préfixés par eccĕ dans le registre populaire, d'où eccĭstŭs, eccĭllŭs (attestées dans Plaute ci-dessus).


Parallèlement, un préfixe paraissant initialement rural et très populaire aqu- (< *eccŭ- x ac ?) s'est développé en Italie (sous la forme *eccŭ- ?), Espagne, domaine d'oc..., sans concerner le domaine d'oïl. Il a pu servir aussi pour repréciser une proximité maximale, mais cette signification semble mieux établie en Espagne qu'en domaine d'oc. On a ainsi : hīc, hāc, hŏc > oc aquí, aquòesp aquí, acàit qui, qua...



Second affaiblissement et sa compensation (en Gaule)
  

Les adverbes de lieu *eccīc, *ecciāc, *ecciŏc, subissent l'aphérèse, sans doute favorisée par l'emploi de la préposition (dē *eccīc > dē *cīc) mène à *cī(c), *çā(c), *çŏ(c) (voir palatalisation de cci + voyelle). Les pronoms-adjectifs eccĭstŭs, eccĭllŭs (Plaute) subissent la même aphérèse, sans doute favorisée en plus par l'emploi proclitique (PHF-f3:593 remarque II). L'analogie entre les deux groupes a aussi joué pour mener à l'aphérère. Cette évolution a abouti aux mots encore vivants it cio, ci, fr "ci", "çà", "ce", "cet", "cette", "celle", oc çò, çai...)

En Gaule, cette aphérèse est ressentie comme un affaiblissement (second affaiblissement), c'est-à-dire que les nouveaux mots manquent à leur tour d'expressivité et de consistance pour désigner une proximité maximale. Cet affaiblissement est alors compensé, dans les premiers siècles après J.-C., par la préfixation par ais- (< adjăcēns, du moins dans mon scénario, voir l'étymologie de l'occitan aiç-). Bien que oc ci, ça, çò, çai aient perduré, aicí, aiçà, aiçò sont ainsi apparus ; ce sont des formes renforcées exprimant nettement la proximité. De même, selon moi, ais- est possible pour le domaine d'oïl : "ici" (ci-dessus). Ce préfixe s'est étendu par analogie aux autres formes (AO aicest..., a.fr. icelui...).



Éclaircir le devenir de -c notamment la variante alpine actuelle aicic (variantes de aicí) (< *aicique ?).





3. Les trois degrés d'éloignement dans les langues romanes




a. Les degrés d'éloignement en castillan

On retrouve les trois degrés d'éloignement du latin en castillan actuel :

- este se référant à yo "moi" ; adverbe correspondant : aquí ;

- ese se référant à tu "toi" ; adverbe correspondant : ahí ;

- aquél se référant à él "lui" ; adverbe correspondant : allí.



b. Les degrés d'éloignement en français

En français, on peut retrouver les trois degrés d'éloignement dans : ici, là, là-bas. Il faut signaler que le champ sémantique de "là" empiète de plus en plus sur celui de "ici" : "il n'est pas là" pour "il est absent" ; "celui-là" pour "celui-ci".


Pour les adjectifs démonstratifs, on ne distingue que deux degrés d'éloignement : je cite CNRTL à l'article "ce, cet" (e.d.a.m.c.g.) : "L'ancien français, peut-être sous l'influence du francique (von Wartburg ; Évolution et structure de la langue française, p. 66), ne retient de ce système que deux démonstratifs marquant l'opposition entre rapprochement (à la fois du locuteur et de l'allocuteur) : cest (< ecc(e) istum) et éloignement (ce qui concerne la personne non présente, la 3e pers.) : cel (< ecc(e) illum, v. celui)".

Cest et cel disparaissent dans la première moitié du XIVe siècle, et "l'emploi des adverbes -ci et -là devient plus courant pour exprimer les notions de proximité et d'éloignement que ne pouvaient plus par eux-mêmes exprimer les adjectifs."




c. Les degrés d'éloignement en occitan

On retrouve les trois degrés d'éloignement du latin en occitan dans les adverbes : aicí, aquí, ailà (voir FEW 4:425a cité à : étymologie de aquí). Dans les démonstratifs, il existe seulement deux degrés d'éloignement : aquest et aqueu ; aqueu recouvrant aquí et ailà. C'est la même chose en ancien français : cest et cel


C'est ce que j'ai déduit en un premier temps, et j'ai retrouvé ensuite exactement la même position dans l'œuvre de Jules Ronjat (GIPPM-3:486).


Certes pour le languedocien actuel, L. Alibert estime qu'on retrouve les trois degrés d'éloignement dans les démonstratifs : aicest, aqueste, aquel (L. Alibert in RSDP:46-47), mais cette situation semble restreinte géographiquement (RSDP:46-47).






Ici, près de moi
Là, pas loin
Là-bas, loin
Adverbe de lieu
Aicí
Aquí
Ailà
Adjectif démonstratif
Aquest
Aqueu
Pronom démonstratif
Aiçò
Aquò

Tableau : Les trois degrés d'éloignement fondamentaux en provençal


On peut dire :

Vène aicí ! = Viens ici, juste à côté de moi.

Vène aquí ! = Viens là, pas loin.

Vai aquí ! = Va là, pas loin.

Vai ailà ! = Va là-bas.


Il est probable que la sémantique du couple aicí et aquí soit du même type que pour l'italien qui et qua :

Fa caldo qua, in questa stanza ma penso che faccia ancora più caldo qui, dove sono seduta = Il fait chaud dans cette salle (ci) mais je pense qu'il fait encore plus chaud 'ici' où je suis assise (italien-facile.com).

Ci-dessous la phrase provençale me semble traduire exactement la phrase italienne :

Fai caud aquí, dins aquesta sala mai pènse que fai encara pus caud aicí, m-onte siáu assetada.




II. Évolution de chaque forme démonstrative latine




A. Évolution des formes de hĭc


1. Vue d'ensemble sur l'évolution des dérivés de hĭc

Je pense que les formes simples de hĭc en tant qu'adjectif démonstratif ont eu tendance à disparaître pour des raisons phonétiques : en position proclitique, leur structure syllabique résiste difficilement à l'évolution des premiers siècles après J.-C. car elles n'ont pas de consonne prononcée en attaque, et les voyelles ĭ > é, æ > é/è sont menacées d'assimilation par la préposition de. Donc leur emploi a dû régresser et le champ sémantique de hĭc (désignation de ce qui est près du locuteur) a été occupé par ĭstĕ


Par contre en position non proclitique, les formes simples suivantes ont survécu :

- hŏc en occitan : c'est òc "oui", et aussi sans doute o "le" pronom d'objet direct : o as fach "tu l'as fait" (FEW 4:441b) ;

- hīc en occitan i "y", en français "y", en espagnol ahí (a- analogique de aquí ?) ;

- peut-être hĭc > ec "cela" en AO.



2. Évolution des formes simples de hĭc


latin italien espagnol
occitan
français
n.m.s. hĭc


? AO ec "cela"
n.f.s. haec




n/a.n.s. hŏc


òc "oui", o p.o.d.  a.fr. o p.o.d.
hīc

ahí
i "y" y

Aboutissements des formes simples de hĭc en italien, espagnol, occitan et français.




3. Évolution des formes composées de type eccĕ hĭc


latin italien espagnol
occitan
français
eccĕ hĭc




eccĕ haec




eccĕ hŏc
cio

çò (> aiçò)
a.fr. ço (> iço)
eccĕ hīc
ci

AO ci (> aicí)
ci (> ici)
eccĕ hāc


çai, aiçà
çà, a.fr. ça (> iça)

Aboutissements des formes de eccĕ hĭc en italien, espagnol, occitan et français. Les formes oc en ai-, fr en i-, proviennent des préfixations par ais-, is- (ci-dessus).





4. Évolution des formes composées de type *accŭ hĭc
latin italien espagnol
occitan
français
roumain
*accŭ hĭc





*accŭ haec





*accŭ hŏc


aquò


*accŭ hīc
qui
aquí
aquí

aci (1)
*accŭ hāc
qua
acá



Aboutissements des formes de *accŭ hĭc en italien, espagnol, occitan et français et roumain.


(1) en roumain, tout son [k] a été palatalisé devant e, i (ÉTDP:8).




B. Évolution des formes de ĭstĕ


Je pense qu'en latin parlé, ĭstĕ a rapidement occupé le champ sémantique de hĭc. En effet, les descendants de ĭstĕ > (éste), en forme simple ou composée, expriment la proximité du locuteur : en a.fr. (cest), en occitan (aquest, cest, est), en italien (questo, sto), en espagnol (este). Cette évolution est-elle due à une faible expressivité de hĭc (> */ék/) ?



1. Évolution des formes simples de ĭstĕ


latin italien espagnol
occitan
français
roumain
ĭstŭ(m) (e)sto (1) este
est "ce" (2)

ăst
ĭstă(m)
(e)sta (1) esta
esta "cette" (2)

astă
ĭstud

esto



Aboutissements des formes simples de ĭstĕ en italien, espagnol, occitan, français et roumain.


(1) pour l'italien, (e)sto, (e)sta sont des formes régionales ou populaires, voir stamattina "ce matin".
(2) : pour l'occitan, les formes aquest, aquesta sont bien plus fréquentes (TDF).


2. Évolution des formes composées de type eccĕ ĭstĕ > eccĭstĕ


latin italien espagnol
occitan
français
eccĭstŭ(m)

AO (ai)cest
cet, a.fr. (i)cest
eccĭstă(m)


AO (ai)cesta
cette, a.fr. (i)ceste
eccĭstōs

AO (ai)cest
cet, a.fr. (i)cest
eccĭstăs

AO (ai)cest
cet, a.fr. (i)cest

Aboutissements des formes de eccĭstĕ en italien, espagnol, occitan et français.



3. Évolution des formes composées de type *accŭ ĭstĕ

Remarque : pour l'italien, l'origine est peut-être *eccŭ ĭstĕ.


latin italien espagnol
occitan
français
roumain
aroumain
*accŭ ĭstŭ(m) questo

aquest

acest (1)
aestu (2)
*accŭ ĭstă(m)
questa

aquesta

acesta (1)
aestã (2)

Aboutissements des formes de *accŭ ĭstĕ,  en italien, espagnol, occitan, français, roumain et aroumain.


1) en roumain, tout son [k] a été palatalisé devant e, i (ÉTDP:8).
(2) en aroumain, aestu, aestã peuvent provenir de *accŭ ĭstĕ ou bien de ad ĭstĕ (Wiktionary ici).





C. Évolution des formes de ĭllĕ


Le pronom-adjectif ĭllĕ, en latin parlé de la Romania occidentale, est devenu l'article défini. En effet, en portugais, en espagnol, en catalan, en occitan, en français, en italien (toscan), l'article défini provient de ĭllĕ. Je cite CNRTL à "le, la, les" : "L'art. déf. est issu du lat. ille, dém. de la 3e pers., dont la valeur de notoriété convient à la détermination [ille homo « l'homme que vous connaissez »]. " Cependant il faut signaler en gascon EAG:442 so "le" < ĭpsŭ.




1. Évolution des formes simples de ĭllĕ en position proclitique

Je dois faire une étude intégrant l'influence du mot précédent : -voyelle ou -consonne, voir LDIL:142, et aussi la palatalisation illī > AO lhi.


(piste : Renaud Cazalbou, sans date : *illi illu > *illillu > *illilo puis : "Eu égard à la structure du pronom complément évoquée (schéma consonne + voyelle) (...), se produit une aphérèse *llilo. Surviendrait alors le renforcement consonantique initial (palatalisation) pour donner les formes castillane, portugaise, italienne et léonaise.)"

latin italien espagnol
occitan
français
m.n.s. ĭllĕ > ĭllī (1) procl.

AO (CSS) li
a.fr. (CSS) li
m.a.s. ĭllŭ(m) procl. il (2)
el
lo
le, a.fr. lo, le
f.n.s., f.a.s. ĭllă(m) procl. la
la
la
la
m.n.p. ĭllī procl.

AO (CSP) li
a.fr. (CSP) li
m.a.p. ĭllŏs procl.
los
los
les, a.fr. los, les
f.n.p., f.a.p. ĭllăs procl.
las
las
les, a.fr. las, les

Aboutissements des formes simples de ĭllĕ proclitique en italien, espagnol, occitan et français.


(1) ĭllī provient de l'altération de ĭllĕ d'après le relatif quī : CNRTL "le, la, les".
(2) l'article italien il (au lieu de el) "résulte du phénomène de fermeture en Toscan de l'initiale atone, observable aussi dans les préfixes, ri-, di-..." (LDIL:143).



2. Évolution des formes simples de ĭllĕ en position non proclitique


latin italien espagnol
occitan
français
m.n.s. ĭllĕ > ĭllī (1)

AO il, ilh, el, elh (1) il (1)
m.a.s. ĭllŭ(m) non procl.

el, eu

m.d.s. ĭllī > ĭllūī non procl. (2)


lui
f.n.s., f.a.s. ĭllă(m) non procl.


ela
elle
m.n.p. ĭllī procl.



ĭllŏs non procl.


eux
ĭllăs non procl.

elas
elles
ĭllīc
allí


ĭllāc
allá
ailà
là, a.fr. ilà (3)
ĭllōc


a.fr. iluec

Aboutissements des formes simples de ĭllĕ non proclitique en italien, espagnol, occitan et français.


(1) ĭllī provient de l'altération de ĭllĕ d'après le relatif quī : CNRTL "le, la, les". En français, en AO, ĭllī a donné "il" et non el par dilation, c'est-à-dire par influence fermante du final sur le ĭ initial (IPHAF:129).
(2) ĭllūī est une réfection du datif ĭllī, d'après le datif cūī de quī : CNRTL "lui".
(3) pour "là" : ĭllāc n'a pas subi la diphtongaison française : ce serait en raison de sa position proclitique dans plusieurs combinaisons de mots (CNRTL "là").




3. Évolution des formes composées de type eccĕ ĭllĕ > eccĭllĕ

À continuer

latin italien espagnol
occitan
français
m.n.s. eccĭllĕ > -ī (1)


a.fr. (CSS) cil, icil (1)
m.a.s. eccĭllŭ(m)


a.fr. (CRS) cel
m.d.s. eccĭllī > -ūī (2)


celui, a.fr. (CRS
f.n.s., f.a.s. eccĭllă(m)


a.fr. cele





Aboutissements des formes de eccĭllĕ en italien, espagnol, occitan et français.


(1) pour la forme eccĭllī, voir ci-dessus ĭllī ; cil, icil et non *cel, icel par dilation, c'est-à-dire par influence fermante du final sur le ĭ antécédent (IPHAF:129).
V(2) pour la forme eccĭllūī, voir ci-dessus ĭllūī.


4. Évolution des formes composées de type *accŭ ĭllĕ

À faire

latin italien espagnol
occitan
français
*accŭ ĭllŭ(m)



*accŭ ĭllă(m)



Aboutissements des formes de *accŭ ĭllĕ en italien, espagnol, occitan et français.







D. Évolution des formes de ĭpsĕ


1. Évolution des formes simples de ĭpsĕ


latin italien espagnol
occitan
français
ĭpsŭ(m) non procl.
ese
AO éis "même"
 a.fr. es
ĭpsă(m) non procl.
esa


ĭpsŭ(m) non procl.
eso


ĭpsŭ(m) procl. sarde su "le"
g so "le"

ĭpsă(m) procl. sarde sa "la"


Aboutissements de ĭpsĕ en italien, espagnol, occitan et français.





2. Évolution des formes composées de type ĭstĕ ĭpsĕ

(EIK-PS-:77) ĭstĕ ĭpsĕ > AO estus "même" : eu estẹus, tu estẹus, el estẹus, it stesso "même, identique".




3. Évolution des formes composées de type ăd ĭd ĭpsŭm (> adès)

ăd ĭd ĭpsŭm > oc adès, it adesso "maintenant", cat adés...

(avec le problème de l'explication de [è] dans adès, adesso, voir étymologie de adès).