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Réfection des conjugaisons, les verbes
17-02-2025


(Partie en chantier).


L'ouvrage GIPPM-3 donne une description extrêmement détaillée des conjugaisons actuelles de tous les parlers occitans, bien qu'il signale : (lacunes) dans plusieurs paragraphes, signifiant la mauvaise connaissance dans certains parlers. Il explique l'évolution historique à partir du latin de façon incomplète.

L'ouvrage RLHI:95-184 donne une excellente analyse de l'évolution des conjugaisons latines dans les langues romanes, que je mets à profit ici pour l'occitan.



Suffixes verbaux latins à valeur sémantique


Le grammairien latin Donat distingue déjà quatre "formes" de verbes : "parfaite, méditative, inchoative, fréquentative", dont les trois dernières sont associées à trois suffixes à valeur sémantique particulière : -(t)ŭrī, -scĕrĕ, -ĭtā.


Donat 2, 12, 3. Formae igitur quattuor sunt : perfecta, meditativa, inchoativa, frequentativa ; perfecta, ut lego ; meditativa, ut lecturio ; inchoativa, ut fervesco, calesco ; frequentativa, ut lectito.

« Ainsi il y a quatre formes [de verbes] : la parfaite, la méditative [desidérative], l'inchoative, la fréquentative ; la parfaite, comme lego ["je lis"] ; la méditative, comme lecturio ["j'ai envie de lire"] ; l'inchoative, comme fervesco ["je me mets à bouillir"], calesco ["je m'échauffe"] ; la fréquentative, comme lectito ["je lis souvent"]. »


Il faut constater que tous ces verbes sont des verbes d'action, dont la première forme (perfecta) est la plus fréquente. Donat aurait pu les opposer aux verbes d'état, certes bien moins nombreux, comme le font les grammariens actuels ("rester", "sembler", "paraître"...).




Verbes latins en -(t)ŭrī (désidératifs)

La "forme méditative" décrite par Donat ci-dessus (forma meditativa, qu'on appelle aujourd'hui forme desidérative) concerne quelques verbes latins qui ont très peu de descendance dans les langues romanes.


Exemples :


- ămātŭrĭō "j'ai le désir d'aimer" ;

- ēsŭrĭō "je désire manger, j'ai faim" ;

- lectŭrĭō "j'ai envie de lire" ;

- nuptŭrĭō "j'ai envie de me marier" ;

‎- partŭrĭō “je suis en train d'accoucher" ;

- sullātŭrĭō "j'ai envie d'imiter Sylla".



Verbes latins en -scĕrĕ (inchoatifs)

La forme inchoative décrite par Donat ci-dessus (forma inchoativa) concerne de nombreux verbes, et elle est notamment à l'origine de la conjugaison "inchoative" (ci-dessous) : fr "je finis, je grandis, je grossis, je réfléchis ..."


Exemples :

crĕārĕ "créer" → crēscĕrĕ "je viens à l'existence ; je grandis"

vīvĕrĕ "vivre" → vīvĕscĕrĕ  "commencer à vivre" ( →  voir reviscolar ci-dessous)




Verbes latins en -(ĭt)ārĕ (fréquentatifs)

La forme fréquentative décrite par Donat ci-dessus (forma frequentativa) concerne plusieurs verbes latins dont la valeur fréquentative n'est parfois pas (plus ?) apparente.



-ārĕ rajouté au supin :


- cănō, cănĕrĕ, cantŭm "chanter" → cantō, cantārĕ, cantātŭm "chanter"

- (co- + ăgō) > cōgō, cŏăgĕrĕ, cŏăctŭm "pousser ensemble" → cŏăctō, cŏăctārĕ, cŏăctŭm "forcer", cōctō (attesté dans Caper, FEW 2:831b) > pr cochar "rabattre (le gibier)"

- jăcĭō, jăcĕrĕ, jactŭm "jeter, lancer" → jactō, jactārĕ, jactātŭm "jeter (souvent), lancer"

- lĕgō, lĕgĕrĕ, lĕctŭm "lire" → lĕctō, lĕctārĕ, lĕctātŭm "lire souvent"

- pellō, pellĕrĕ, pulsŭm "mettre en mouvement" → pulsō, pulsārĕ, pulsātŭm "pousser"

- spŭō (spŭvō ?), spŭĕrĕ, spūtŭm "cracher" → spūtō, spūtārĕ, spūtātŭm "cracher"

- sternŭō (sternŭvō ?), sternŭĕrĕ "éternuer" → sternūtō, sternūtārĕ, sternūtātŭm "éternuer souvent"



-ĭtārĕ rajouté au supin (ou à la forme déjà fréquentative ci-dessus)


- cantŭm (ou căntō) → cantĭtō, cantĭtārĕ, cantĭtātŭm "chanter souvent"

- jactŭm (ou jactō) → jactĭtō, jactĭtārĕ, jactĭtātŭm "jeter souvent"

- lĕctŭm (ou lĕctō) → lĕctĭtō, lĕctĭtārĕ, lĕctĭtātŭm "lire souvent"


Aussi les verbes déponents :

- lŏquŏr → lŏquĭtŏr "je parle beaucoup".


Pour certains verbes actuels en oc -tar / fr -ter, les étymologistes reconstruisent des verbes en -ĭtārĕ :

- *adsĕdĭtārĕoc assetar "asseoir" (FEW 11:406b, CNRTL "assiette") (voir proparoxyton *adsĕdĭtăt)

- *pēdĭtārĕoc petar "péter"


Enfin, un verbe latin dérivé d'un nom :

- pĕdĕs, -ĭtĭs "piéton" → *pĕdĭtārĕ > fr "piéter" (CNRTL) (voir "piéton", "empiéter")


Le -t- actuel peut ainsi s'expliquer par la syncope de type *adsĕdĭtārĕ > *adĕd'tārĕ, empêchant la sonorisation du -t- latin.


Pour oc anar "aller", on invoque volontiers *ambĭtārĕ > *ambdare > *andare > *annare > anar (voir l'étymologie de anar). L'origine de *ambĭtā serait :

-ambĭō, ambīrĕ, ambĭtŭm → *ambĭtō, *ambĭtārĕ, *ambĭtātum "aller". Là, l'évolution phonétique *andare > *annare serait atypique.


-ĭcārĕ
   

Parfois le suffixe verbal -ĭcā ("fréquentatif") permet d'expliquer certaines étymologies, comme celle de "lâcher" : laxā → (lat.vulg. Ve-VIe s.) laxĭcā > (dissimilation) *lassĭcā > "lâcher" (CNRTL "lâcher"). Il faut remarquer que l'attestation des Ve-VIe siècles laxicare, traduite par laxum fieri "devenir lâche", serait à considérer comme une forme inchoative plutôt que fréquentative.


pĕndĕrĕ → *pĕndĭcā > oc penjar "pendre ; pencher", fr "pencher"




-ŭlārĕ, -cŭlārĕ, -ĭcŭlārĕ
   

Il existe un suffixe -ŭlā, avec ses formes élargies -cŭlā et -ĭcŭlā, sans doute à valeur fréquentative : voir ūstŭlārĕ à CNRTL "brûler" : "fréquentatif de ūrĕrĕ". Ce suffixe n'est pas traité dans dans DD-lus, et doit être étudié par les spécialistes. On doit sans doute le relier à l'habitude en latin vulgaire de rajouter le diminutif -cŭlŭs à de nombreux mots (*aurĭcŭlă, *sōlĭcŭlŭs > "oreille", "soleil"), mais ce domaine des verbes en -ŭlārĕ doit être mieux étudié.


-ŭlā :

trĕmĕrĕtrĕmŭlŭs "qui tremble" → (CNRTL "trembler") *trĕmŭlā "trembler" > oc tremblar / tremolar "trembler", fr "trembler" (tremolar (basc.acc. type mastega).

pĕndĕrĕpĕndŭlŭs "qui pend" → *pĕndŭlā "pendre" > oc pendolar "suspendre ; pendre, pendiller"  (basc.acc. type mastega)

vīvĕrĕ "vivre" → vīvĕscĕrĕ  (-scĕrĕ ci-dessus) "commencer à vivre" → *rĕvīvĕscĕrĕ "recommencer à vivre, ressuciter" → *rĕvīvĕscŭlā > oc reviscolar (basc.acc. type mastega) "ravigorer"


-cŭlā :

*bătācŭlā > oc badalhar, fr "bâiller" (-cŭlā suffixé à bătā > oc badar, fr "béer, bayer") (FEW batāculāre).


-ĭcŭlā :


- probablement *gĕmĭcŭlā > oc gingolar "gémir" ("Évolution des voyelles" : e > i dans gingolar, (basc.acc. type mastega).


- *brŏdĭcŭlā, dérivé de *brŏdĭcā, permet d'expliquer "brouiller" (CNRTL "brouiller") ;

- gestĭcŭlā, dérivé de gestĭō (gestī) : "gesticuler ; exécuter la pantomime" ;

- *fŏdĭcŭlā, dérivé de fŏdĕrĕ "percer" ou de fŏdĭcā "creuser", permet d'expliquer "fouiller" (CNRTL "fouiller") ;

- tŭdĭcŭlā "broyer, triturer" > "touiller" (CNRTL "touiller") ;


-ĭcŭlā a donné le suffixe français -ouiller (bredouiller, gribouiller, mâchouiller...) ;









Les quatre conjugaisons du latin
 

Je donne ci-dessous les temps latins qui ont eu une descendance phonétique en occitan (et aussi en général en français, italien, espagnol...).

Pour le futur, les deux types ămābō et lĕgăm se sont effacés en latin populaire, laissant place au futur périphrastique.

Quant au conditionnel, il n'existait pas en latin, qui utilisait le subjonctif.




Première conjugaison latine : cantārĕ

Voir Wikipédia : first conjugation. On peut donner comme type cantārĕ "aimer", dont on définit le paradigme par : cantō, cantās, cantārĕ, cantāvī, cantātŭm.

Concernant la contraction populaire des formes du parfait, voir ci-dessous Contraction précoce du parfait (tendances phonétiques générales).



présent
imparfait
parfait
subjonctif présent
subjonctif imparfait
cantō cantābăm cantāvī  > cantai
cantĕm
cantārĕm
cantās cantābās cantāvĭstī  > canta(i)sti   
cantēs
cantārēs
cantăt cantābăt cantāvĭt > canta(u)t / cantait   
cantĕt
cantārĕt
cantāmŭs cantābāmŭs cantāvĭmŭs > canta(i)mus
cantēmŭs
cantārēmŭs
cantātĭs cantābātĭs cantāvĭstĭs > cantastis
cantētĭs
cantārētĭs
cantant cantābănt cantāvērŭnt > cantarunt
cantĕnt
cantārĕnt

Paradigme résumé de la première conjugaison latine (seuls sont donnés les temps qui ont eu une descendance phonétique en occitan).




Deuxième conjugaison latine : dēbērĕ

Voir Wikipédia : second conjugation. On peut donner comme type dēbērĕ "devoir", dont on définit le paradigme par : dēbĕō, dēbēs, dēbērĕ, dēbŭī, dēbĭtŭm.



présent
imparfait
parfait
subjonctif présent
subjonctif imparfait
dēbĕō dēbēbăm dēbŭī
dēbĕăm
dēbērĕm
dēbēs dēbēbās dēbŭĭstī
dēbĕās
dēbērēs
dēbĕt dēbēbăt dēbŭĭt
dēbĕăt
dēbērĕt
dēbēmŭs dēbēbāmŭs dēbŭĭmŭs
dēbĕāmŭs
dēbērēmĕs
dēbētĭs dēbēbātĭs dēbŭĭstĭs
dēbĕātĭs
dēbērētĭs
dēbent dēbēbănt dēbŭērŭnt dēbĕănt dēbērent

Paradigme résumé de la deuxième conjugaison latine (seuls sont donnés les temps qui ont eu une descendance phonétique en occitan).





Troisième conjugaison latine : vēndĕrĕ

Voir Wikipédia : third conjugation. On peut donner comme type vēndĕrĕ "vendre", dont on définit le paradigme par : vēndō, vēndĭs, vēndĕrĕ, vēndĭdī, vēndĭtŭm.



présent
imparfait
parfait
subjonctif présent
subjonctif imparfait
vēndō
vēndēbăm
vēndĭdī
vēndăm
vēndĕrĕm
vēndĭs
vēndēbās
vēndĭdĭstī
vēndās
vēndĕrēs
vēndĭt
vēndēbăt
vēndĭdĭt
vēndăt
vēndĕrĕt
vēndĭmŭs
vēndēbāmŭs
vēndĭdĭmŭs
vēndāmŭs
vēndĕrēmŭs
vēndĭtĭs
vēndēbātĭs
vēndĭdĭstĭs
vēndātĭs
vēndĕrētis
vēndŭnt vēndēbănt vēndĭdērŭnt vēndănt vēndĕrĕnt

Paradigme résumé de la troisième conjugaison latine (seuls sont donnés les temps qui ont eu une descendance phonétique en occitan).




     Troisième conjugaison mixte : rĕcĭpĕrĕ

Voir Wikipédia : tableaux de conjugaison. On peut donner comme type rĕcĭpĕrĕ "recevoir", dont on définit le paradigme par : rĕcĭpĭō, rĕcĭpĭs, rĕcĭpĕrĕ, rĕcēpī, rĕcĕptŭm.




présent
imparfait
parfait
subjonctif présent
subjonctif imparfait

rĕcĭpĭō
rĕcĭpĭēbăm rĕcē
rĕcĭpĭăm
rĕcĭpĕrĕm

rĕcĭpĭs (1) rĕcĭpĭēbās recēpĭstī
rĕcĭpĭās
rĕcĭpĕrēs

rĕcĭpĭt (1) rĕcĭpĭēbăt rĕcēpĭt
rĕcĭpĭăt
rĕcĭpĕrĕt

rĕcĭpĭmŭs
rĕcĭpĭēbāmŭs rĕcēpĭmŭs
rĕcĭpĭāmŭs
rĕcĭpĕrēmŭs

rĕcĭpĭtĭs
rĕcĭpĭēbātĭs rĕcēpĭstĭs
rĕcĭpĭātĭs
rĕcĭpĕrētis

rĕcĭpĭŭnt rĕcĭpĭēbănt rĕcēpērŭnt rĕcĭpiănt rĕcĭpĕrĕnt

Paradigme résumé de la troisième conjugaison mixte latine (seuls sont donnés les temps qui ont eu une descendance phonétique en occitan).


(1) Pour l'accent tonique dans rĕcĭpĭs..., voir accent dans les mots composés.




Quatrième conjugaison latine : partīrĕ

Voir Wikipédia : fourth conjugation. On peut donner comme type partīrĕ "partir", dont on définit le paradigme par : partĭō, partīs, partīrĕ, partī(v)ī, partītŭm.



présent
imparfait
parfait
subjonctif présent
subjonctif imparfait
partĭō > partō
partĭēbăm
partī
partĭăm
partīrĕm
partīs
partĭēbās
partīvĭstī
partĭās
partīrēs
partĭt
partĭēbăt
partīvĭt
partĭăt
partīrĕt
partīmŭs
partĭēbāmŭs
partīvĭmŭs
partĭāmŭs
partīrēmŭs
partītĭs
partĭēbātĭs
partīvĭstĭs
partĭātĭs
partīrētĭs
partĭŭnt partĭēbănt partīvērŭnt partĭănt partīrĕnt

Paradigme résumé de la quatrième conjugaison latine (seuls sont donnés les temps qui ont eu une descendance phonétique en occitan).





Tendances phonétiques générales
  



Le -v- du parfait latin
 

Le -v- intervocalique est présent dans de nombreuses formes du parfait en latin classique : ămāvī, partīvī..., mais aussi en latin archaïque : *hăbŭvŭī, *dēbŭvŭī... Ci-dessous, je développe deux aspects concernant ce -v-, où il a toujours fini par s'amuïr.


Tendances en latin archaïque : *hăbĕvī > *hăbŭvī > hăbŭī
  

Dans la genèse des parfaits de la deuxième conjugaison (ci-dessus) : dēbŭī "je dus", hăbŭī "j'eus", la première étape consiste en l'ajout de la désinence en -v... sur le radical en -ĕ : hăbĕ- de hăbĕ-ō (DLvP:267) : *hăbĕ-vī. La deuxième étape mène à *hăbŭvī par l'action de l'apophonie (voir "Apophonies" : La conjugaison déclenche l'apophonie). Les formes en -ŭv- sont d'ailleurs attestées dans Plaute et dans Ennius, dans les éditions apparemment conformes aux manuscrits les plus anciens (à étudier) :

Plaute :

(GC:369) Equidem hercle nullum perdidi, quia nullum unquam habuvi, Plaut. As. Ac. 3. Sc. 3.

(trad. TCLPTS:48) "Assurément, je n'ai perdu personne ; car je n'ai jamais eu personne à moi."

(GC:369) Si forte pure velle habere dixerit, Tot [nocteis] reddat spurcas, quot puras habuverit, Plaut. As. Ac. 4 . Sc. 1.

(trad. TCLPTS:52) "Si par hasard elle dit qu'elle veut rester pure quelque temps, il faudra qu'elle vous rende autant de nuits qu'elle vous en aura fait perdre par sa retraite."

Ennius :

(GIVDAG7:192, en plus de habuverit ci-dessus)

Saturno, quem cælu' genuvit, Ennius 1 Annal.

(trad. Jacques Heurgon, 1960) "À Saturne (ou par Saturne), que le ciel enfanta"


Pour lŭō "je lave ; je délie" et plŭĭt "il pleut", un v non écrit semble déjà exister dans le radical, voir ŭv écrit V. Varron (De lingua latina, L. 9, 103) donne lŭĭt, plŭĭt pour le présent, et lūĭt, plūĭt pour le parfait. Mais Tite-Live donne : lapidibus pluvisse, et sanguine pluvit (GIVDAG7:192).


(Ferrar, 1869 archive.org:174) : (trad.angl.j.m.c.g.) "Le v moyen est souvent perdu entre voyelles comme dans suus = A.L. sovosgr ἑός ; tuus pour tovos = gr τεός ; momentum pour movimentum ; ploro pour plovero [...] ; domui, habui, etc. pour domevi, habevi, etc. [...] ; junior pour juvenior ; rursum pour revorsum ; nosse = novisse, etc. ; amaram = amaveram, etc. ; audisti = audivisti, etc. [...]."


Enfin une troisième étape a mené à hăbŭī, avec un amuïssement de v intervocalique, avec d'abord hăbŭī trissyllabique, puis dissyllabique puisque l'occitan a aguet "il eut" (< hăbŭĭt), prononcé d'abord */agwét/.



Tendances en latin vulgaire : cantāvī  > cantai
  

Pour la première conjugaison latine (ci-dessus), dès le latin vulgaire, le parfait (cantāvī) évolue vers des formes contractées, notamment avec l'amuïssement de -v(ĭ)- (cantai, cantasti...), voir ci-dessous prétérit.

(GAP:147)

« Dans les terminaisons des parfaits en -avi, -evi, -ivi, etc, v est tombé dès le latin vulgaire, où l'on avait amai pour amavi. »



















cantăt, cantănt... : perte du -t latin

Parmi les langues romanes, le français s'individualise fortement en conservant le -t à la 3e.p.s. et à la 3e.p.p.. Ce -t est encore écrit dans "il tient", "ils chantent", "il avait"... L'occitan ne présente pas ce -t, de même l'italien, l'espagnol et le portugais.


Selon J.N. Adams (RDL:92-93), certains ont voulu voir dans des incriptions romaines un amuïssement de -t dans les formes conjuguées (-t, -nt), mais aucun exemple n'est vraiment probant. Voir cependant Fouché ci-dessous.



-t du français

Après consonne, -t du français était prononcé jusqu'au XIIIe siècle : tient, muert "meurt", plaist "plaît"... (PHF-f3:657) (et chantent ?).


Après élément diphtongal, de même, -t du français était prononcé jusqu'au XIIIe siècle, par exemple après dans aveit : hăbēbăt > *hăbēăt > aveiet ~ aveit "il avait" (PHF-f3:657).


Après voyelle, accentuée ou non, -t du français existait, et il était prononcé θ (PHF-f3:657-658) :

présent : cantăt > cantəθ "il chante", ĭntrăt > entrəθ "il entre",

subjonctif présent : ĭntrĕt > entr- (+ ə de soutien) -t > entrəθ "qu'il entre" ;

futur : cantārĕ - hăbĕt > cantārĕ - āt > *cantārāt > canteraθ "il chantera".

passé simple : ...

Ce avait rejoint -θ < ð parvenu en position finale.

Cette consonne θ a commencé à disparaître vers la fin du IXe siècle dans l'Est et le Nord-Est (Eulalie présente un mélange des formes avec -t et sans -t). Ailleurs ce θ semble s'être conservé jusqu'à la fin du XIe siècle : Alexis a toujours -t : apelet < appellăt, dans Roland il y a hésitation entre les deux formes. (PHF-f3:658).


Disparition de -t en domaine d'oc (sauf cantet "il chanta"...)



Pour l'occitan, GIPPM-3:153 signale la chute de -t, à la 3e.p.s. et à la 3e.p.p. au présent :


"À la  la 3e.p.sg. et pl. -t est complètement amuï, sauf certains cas de liaison étroite à Mens et en viv. N Vel N. Mar lim berg ( §...) ; 3e.p.p. -nt dans les cout. de Besse, de Riom et de Saint-Bonnet-le-Château, dans la charte de Montferrand, dans le cart. de Saint-Flour (p. 53, a. 1201) et en Vel de 1408 (§...)."


Ces conservations de -t en liaison devant voyelles concernent donc quelques endroits souvent proches de la limite nord du domaine d'oc, et ne sont pas typiques de l'occitan.



(PHF-f3:656-657) :


"Dès l'époque latine, le t final a éprouvé une tendance à la chute. Déjà dans les inscriptions de Pompéi, on note en effet des formes comme ama, peria, valia (CIL IV, 1173) pour amat, pereat, valeat, dedica (ibid. 4603) pour dedicat, vidi (ibid. 6842) pour vidit, etc. Cette tendance à la chute s'intensifie dans les divers pays de la Romania."

(Voir cependant Adams ci-dessus).

Pourtant quelques lignes plus loin, P. Fouché signale que dans le latin du nord de la Gaule, le t final s'est maintenu. Il explique :

"Or là, ce t avait une valeur des plus importantes : il servait à caractériser la 3e personne du singulier. C'est sans doute cette raison qui a fait que la langue s'est opposée à sa disparition."

Cette explication de P. Fouché n'est pas suffisante : il convient de souligner cette solution originale du français par rapport aux autres langues, et par ailleurs il faut l'étendre à la 3e.p.p..



 

Tableau d'exemples dans différentes langues : cantăt, cantănt...

Le tableau ci-dessous montre les faits suivants :

(pour comprendre l'évolution de la dernière voyelle latine écrite en rouge ci-dessous, voir l'apocope des formes conjuguées).


1. Pour la première conjugaison (cantāre), en AO le -t latin disparaît, et le -a- atone résiste toujours (> ə en français), conformément à la règle générale de conservation du -a. En a.fr. certains textes conservent encore le -t : chantet "(il) chante", prïet, prïed "(il) prie"... Voir ci-dessus -t après voyelle en français.


2. Pour les autres conjugaisons :

 ● -t latin disparaît en italien et en occitan, alors qu'il est toujours conservé en français ;

 ● la dernière voyelle atone latine (-ĭ-, -ĕ-) résiste toujours pour l'italien (> -e), langue sans apocope (conosce), mais disparaît pour l'occitan (conóis) et pour le français (conoist) "(il) connaît".


3. Pour l'occitan, si la consonne devenue finale était sonore, elle devient sourde : *pȩrde > pȩrt, voir ci-dessous durcissement de la consonne devenue finale.



latin
italien
AO
a.fr.
cantăt
cantănt
canta
cant
ano
canta
cantan (-on
, -en)
(il) chante(t)
(ils) chantent
cōgnōscĭt
cōgnōscŭnt

conosce
conoscono
conois
conoisson
(il) conoist
"il connaît"
(ils) conoissent
crēscĭt
crēscŭnt
cresce
crescono
creis
creisson
(il) creist 
"(il) croît"
(ils) creissent
dŏrmĭt
dŏrmĭŭnt > *dŏrmŭnt (1)
dorme
dormono
dǫrm  HLPA
dǫrmon
(il) dort
"(il) dort"
(ils) dorment
dīcĭt
dīcŭnt
dice
dicono
ditz
dizon
(il) dict, dit, dist
"(il) dit"
(ils) dïent, dÿent; dïunt; disent
est
sŭnt
è
sono
es
son, so
(il) est, aist; et; e
"(il) est"
(ils) sont, sunt, sount; son, sun
bĕt > *at
hăb
ĕnt
-------------------
> *hăbŭnt
ha
hanno

-------------------

a
an

-------------------
aun, au
(il) at, ad, adz, atz, a, ha; ait; ai  "(il) a"

-------------------
(ils) ont, ount; on...

plăcĕt
pl
ăcĕnt
piace
piaciono
platz
plazon
(il) plaist  "(il) plaît"
(ils) plaisent, plesent
pĕrdĭt
pĕrdŭnt
perde
perdono
pȩrt  MEAO
(pȩrdon n.a.)
(il) pert, peirt
 "(il) perd"
(ils) perdent
l.v. *prĕcăt
l.v. *prĕcănt
prega
pregano
prȩga  LR
prȩgan  LR 2:276b
(il) preie / prïet...  "(il) prie"
(ils) prïent; preient
prēndĭt
prēndŭnt
prende
prendono
prn
prndon, prnon
(il) prent / prant   "il prend"
(ils) prendent; prennent, prannent, praignent...
vĭncĭt
vĭncŭnt
vince
vincono
vntz  MEAO
(vncon n.a.)
(il) veint   "il vainc"
(ils) venquent; veinquent
l.v. *vŏlĕt (non vult)
vŏlŭnt, *vŏlĕŭnt
vuole
vogliono
vǫl
vǫlon
(il) vuelt   "(il) veut"
(ils) vuelent; vueilent...

Tableau : évolution des troisièmes personnes du singulier et du pluriel à l'indicatif présent. En gras est indiqué le -t du latin classique avec son évolution (on voit que seul le français conserve le -t). En rouge est indiquée la dernière voyelle latine avec son évolution (en occitan et en français, si elle parvient en position finale, elle disparaît si elle n'est pas la voyelle a, voir l'apocope des formes conjuguées).


Les formes citées ci-dessus en AO proviennent GAP, parfois de MEAO:88-90 ou de HLPA. La plupart des formes a.fr. proviennent de micmap.org.

(1) Pour les descendants de dŏrmĭŭnt "ils dorment" : GAP:284 : "Ces verbes [non inchoatifs de la 2e conjugaison] proviennent, pour la plupart, des verbes latins en -io ; mais cet i en hiatus était tombé dans de nombreux verbes en latin vulgaire et on disait *parto, *dormo, *sento, etc. au lieu de partio, dormio, sentior, etc."









I. Verbes réguliers
A. Première conjugaison (cantar "chanter")


1. Indicatif présent (première conjugaison)

Vue d'ensemble sur l'indicatif présent (première conjugaison)

De façon générale, on peut mettre en évidence un héritage de personne à personne : 1e.p.s. du lat > 1e.p.s. de l'AO, etc. (GAP:269). Même l'OM conserve globalement les formes issues du latin ; seule la réfection de la 1e.p.s. AO cant > cante, -i est notable.


latin

AO

OM
cantō
>
cant (cante, -i) (1) >
cante, canti, a canto (et càntoc)
cantās
>
cantas
>
cantas, cantes
cantăt
>
canta
>
canta
cantāmŭs
>
cantam
>
cantam, cantèm
cantātĭs
>
cantatz
>
cantatz, cantètz
cantant >
cantan, (-on, -en) (2)
>
cantan, canton

Indicatif présent des verbes de la première conjugaison : évolution du latin à l'occitan.

(formes de l'AO d'après GAP:269, HLPA:61, MEAO:93).

(1) Pour la 1e.p.s., le radical se terminant par muta cum liquida est suvi de e. Puis par analogie, les autres verbes ont pris -e, -i : trobe, trobi "je trouve".

(2) Pour la 3e.p.p., -on est analogique sur la deuxième conjugaison.





"Je chante" (indicatif présent, première conjugaison)

(GIPPM-3:153-154)




Carte désinence présent première personne du singulier

Carte : la désinence de la première personne du singulier (in HIO:3003, peut-être d'après la carte 763 de l'ALF "je me lève").


L'ancien occitan cant "je chante"

D'abord l'évolution lat cantō > AO cant "je chante" est l'aboutissement attendu de l'apocope : le -o (< ) disparaît vers le VIIIe siècle (voir apocopes 1e personne du singulier). L'AO cant est la forme de référence, celle de la langue classique (avec les formes cante / canti qui apparaissent rapidement dans les textes médiévaux, voir ci-dessous). Cette forme cant a disparu de l'OM au profit des formes cante / canti.


La forme canto "je chante"

La variante non apocopée canto (-o prononcé /ʋ/) est bien représentée en OM depuis 42 jusqu'aux vallées italiennes (carte ALF 12B "moi je ne les aide pas" ieu leis ajudo / ajo pas) . La forme canto représente le lat cantō, comme en espagnol ou en italien (canto).


GIPPM-3:154 (e.d.a.r.o.) "Cette désinence, qui différencie nettement la 1e personne de la 2e, date des origines mêmes de la langue et continue le latin par l'intermédiaire d'un o fermé que présentent les textes du moyen âge. Elle a reculé depuis sur certains points : on trouve -o dans le LPrivMan (1169-1315), -o concuremment avec -e et -i dans le SJac, et aujourd'hui on a -e à Manosque."


En fr-pr : la terminaison est variable (/ó/, /ʋ/, /i/, /ə/), nettement /ó/ dans 01 (parfois /ʋ/), assez souvent /ó/ dans 73, nettement /ó/ dans le sud du Valais (Suisse) et dans le Val d'Aoste (Italie).

 



La forme càntoc "je chante"

Dans les Alpes, une désinence en -oc est largement attestée : dans les textes anciens comme MystSAnd (GIPPM-3:154, MystSAndF:186), et aussi en OM.


Exemples en AO : ámoc "j'aime", ténoc "je tiens" /-ʋk/ (MystSAndF:186).


Exemples en OM : (GIPPM-3:155) (e.d.a.r.o.) "-ouc paraît conservé à Arvieux [05] même hors de ce cas spécial. Pragelas [Pragelato ou Prajalats dans le Piémont] a -c interrogatif et -c après les diphtongues en liaison devant voyelle et à la pause, exemple [kantʋ k iə ?] "chanté-je ?", a vauc a la fiere "je vais à la foire", a ze farèic "je le ferai"." En dialecte toulousain, le -c apparaît en liaison dans quelques verbes irréguliers : m'i bauc afanar "je vais m'y appliquer", mais i bau "j'y vais", et de même pour fauc / fau (GIPPM-3:155). On pourrait même écrire vauc, fauc dans une graphie normalisée du dialecte toulousain.


Il me semble très probable que -c dans càntoc, ámoc, vauc... provient d'une analogie sur d'autres verbes nombreux qui avaient -c en finale : prȩc < prĕ "je prie", dic < dī "je dis", cnsc < cōgnōscō "je connais", etc.




Les formes après muta cum liquida : mòstre / mòstri "je montre"

Pour les radicaux avec muta cum liquida, une désinence -e / -i s'imposait en AO : voir Apocope après muta cum liquida ? : mostre, mostri "je montre", sofre / sofri "je souffre", tremble / trembli "je tremble" (GIPPM-3:154, GAP:269). La voyelle "de soutien" serait normalement -e à l'origine.




La forme cante "je chante"

La forme cante, déjà largement utilisée en AO, proviendrait de l'analogie avec les formes ci-dessus, qui ont une voyelle finale obligatoire : mòstre, sofre... (GIPPM-3:154).



La forme canti "je chante"

La désinence -i serait une variante de -e en hiatus dans certaines positions syntactiques, favorisée par -i dans les types à diphtongues : ai < habĕō, dei < debĕō, vei < vidĕō... (GIPPM-3:154).


En effet je pense qu'en hiatus, la succession -e a- doit favoriser l'apparition de -i a-. Voir ea > ia. Par exemple :

aprene a lo far > apreni a lo far "j'apprends à le faire" ;

la mòstre a ta maire > la mòstri a ta maire "je la montre à ta mère"


Je pense qu'on peut aussi faire intervenir une apophonie (fermeture é > i), dans des cas où -e atone est compris entre deux syllabes toniques :

parle bèn lo provençau > parli bèn lo provençau "je parle bien le provençal" ;

parle mau > parli mau "je parle mal" ;

parle fòrt > parli fòrt "je parle fort".


Je suis plus dubitatif sur l'influence de ai, dei, vei... où le i est un élément faible de diphtongue, ce qui semble éloigné d'une voyelle simple.


Il faut étudier aussi les rapports avec les formes de type ferre / ferri "fer", etc.





"Tu chantes" (indicatif présent, première conjugaison)

Évolution cantās > cantas : la forme latine est quasiment conservée telle quelle, voir résistance du a final.


Pour la forme cantes, deux influences analogiques ont pu l'engendrer :

- analogie sur 1e.p.s. cante ci-dessus ;

- analogie sur 2e.p.s. de la troisième conjugaison : prēndĭs > oc  prendes "tu prends"



"Il / elle chante" (indicatif présent, première conjugaison)

Évolution cantăt > canta : le -t a disparu en occitan. Voir apocopes 3e personne du singulier.



"Nous chantons" (indicatif présent, première conjugaison)

Évolution cantāmŭs > cantam :


Pour le français :

Logiquement, cantāmŭs > a.fr. (nous) *chantains ; la seule forme issue du latin se trouve dans Eulalie : oram "nous prions" (PPPF:356) (< ōrāmŭs) ; mais pour MVAF:434 : "Quant aux rares formes du type oram (Eulalie) ou poem (Alexis), elles font figure de corps étrangers, formes savantes ou provençalismes, plutôt que de survivances, et toute explication qui en fait un maillon d'une chaîne évolutive est suspecte."


Pour l'origine de "(nous) chantons", les auteurs sont en désaccord. PPPF propose une influence de sŭmŭs "nous sommes", RLHI:104 donne aussi (trad.angl.) "[...] une nouvelle terminaison -ons, extraite du verbe "être" (sumus > sons), a été étendue à toutes les conjugaisons".

A. Meiller (MVAF:437-438) va plus loin : il soutient une conjugaison périphrastique très utilisée en bas latin, attestée dans Virgilius Maro : cantantes sŭmŭs m.à.m. "nous sommes chantants" = cantāmŭs "nous chantons", debentes sumus = debemus, venientes sumus = venimus.


Au contraire, F. de La Chaussée (IMHAF:124 in MVAF:438) estime que -ons serait issu phonétiquement de -amus dans les dialectes de l'Ouest, et aurait gagné l'ensemble du pays. De même G. Zink (MFM:147 ci-dessous). (Cependant je ne trouve pas de variante -on < -an/m- dans l'ALF "faim", "pain", "main" etc. alors que dans une partie du domaine d'oc, cette évolution est bien connue : a > o devant m, n, donc il convient de mieux étudier les positions de F. de La Chaussée et de G. Zink ; je ne dispose ni de MHFV, ni de MFM).


Eva Buchi ne tranche pas (ARRF:9) : « le français [...] a généralisé la désinence /-ò̃/, non étymologique. L’explication de ce phénomène est discutée : il pourrait s’agir d’une extension analogique à partir d’a.fr. sons 1e.p.p. (< */ˈs-ʊmʋs/), mot-forme pourtant évincé par sommes (MHFV:189-192), ou bien d’un traitement dialectal de protoroman */-a-mʋs/, et donc d’un emprunt interne (MFM:147). » .



"Vous chantez" (indicatif présent, première conjugaison)


Évolution cantātĭs > cantatz.



"Ils / elles chantent" (indicatif présent, première conjugaison)


Évolution cantant > cantan.





2. Indicatif imparfait (première conjugaison)

On peut mettre en évidence un héritage de personne à personne (1e.p.s. du lat > 1e.p.s. de l'oc, etc.).




latin

AO

OM
cantābăm >
cantava >
cantave
cantābās >
cantavas >
cantaves
cantābăt >
cantava >
cantava
cantābāmŭs >
cantavam >
cantaviam
cantābātĭs >
cantavatz >
cantaviatz
cantābant >
cantavan >
cantavan, -on, -en

Indicatif imparfait des verbes de la première conjugaison : évolution du latin à l'occitan.

(formes de l'AO d'après GAP:271, HLPA:62, MEAO:98).



3. Indicatif prétérit (première conjugaison)

En latin vulgaire, les formes latines en -av- se sont contractées avec la chute de -v(ĭ)-.





latin

latin  f. rac.
 
AO

AO

OM
cantā > cantai > cantai

cantȩi, cantiȩi
cantère
cantāvĭstī > canta(i)sti > cantast

cantȩst, cantiȩst
cantères
cantāvĭt >
> canta(u)t / cantait > canta

cantȩt, cantȩc
cantèt
cantāvĭmŭs > canta(i)mus > cantam

cantȩm (1)
canteriam
cantāvĭstĭs
> cantastis > cantatz

cantȩtz
canteriatz
cantāvērŭnt > cantarunt > cantaron

cantȩro(n), -ren
cantèron

Indicatif prétérit des verbes de la première conjugaison : évolution du latin à l'occitan.

(formes de l'AO d'après GAP:272-273, HLPA:62, MEAO:110).



(1) Pour cantȩm, MEAO:110 donne e fermé : désinence -ém.




4. Indicatif futur (première conjugaison)


Le futur synthétique du latin classique (cantābō, cantābĭs...) est devenu périphrastique en latin vulgaire.

Selon J. Anglade (GAP:274), certaines occurrences en AO montrent encore une séparation des deux éléments "infinitif" et "auxiliaire avoir" : donar lo t'ai = te lo donarai "je te le donnerai".



latin
cantā
cantābĭs
cantābĭt
cantābĭmŭs
cantābĭtĭs
cantābŭnt

Rappel : futur de la première conjugaison en latin classique.




latin

AO

OM
*cantārĕ + hăbĕō > cantarai >
cantarai
*cantārĕ +hăbēs > cantaras >
cantaràs
*cantārĕ +hăbĕt > cantara >
cantarà
*cantārĕ +hăbēmŭs > cantarem >
cantarem
*cantārĕ +hăbētĭs > cantaretz >
cantaretz
*cantārĕ +hăbĕnt > cantaran, -au(n), -óu >
cantaràn

Indicatif futur des verbes de la première conjugaison : évolution du latin à l'occitan.

(formes de l'AO d'après GAP:273, HLPA:62, MEAO:103).




5. Conditionnel présent (première conjugaison)


(GAP:275 pour la conjugaison de l'AO)

Le conditionnel n'existant pas en latin classique.

   

latin

AO
*cantārĕ + hăbēbăm

cantaría
*cantārĕ +hăbēbās

cantarías
*cantārĕ +hăbēbăt

cantaría
*cantārĕ +hăbēbāmŭs

cantariám
*cantārĕ +hăbēbātis

cantariátz
*cantārĕ +hăbēbănt

cantarían

Conditionnel présent des verbes de la première conjugaison.







6. Subjonctif présent (première conjugaison)

On peut mettre en évidence un héritage de personne à personne (1e.p.s. du lat > 1e.p.s. de l'oc, etc.).


GAP:276.


   

latin

AO
cantĕm

cant
cantēs

cantz
cantĕt

cant
cantēmŭs

cantem
cantētĭs

cantetz
cantĕnt

canten, canton

Subjonctif présent des verbes de la première conjugaison : évolution du latin à l'occitan.

"Aux trois personnes du singulier e final se montre de bonne heure comme voyelle d'appui : d'où cante, cantes, cante" (GAP:276).




B. Deuxième conjugaison

La deuxième conjugaison occitane concerne les verbes dont l'infinitif est en -ir (le -r n'est prononcé dans aucune partie du domaine d'oc, voir ALF:1360 "venir").


Elle provient de la quatrième conjugaison latine (ci-dessus). Cependant elle a souvent été influencée par les verbes latins en -scĕrĕ, pour donner la deuxième conjugaison "inchoative" : finisses "tu finis" (au lieu de AO fins attendu < lat fīnīs).


Au XIIIe siècle, le grammairien occitan Uc Faidit classait les verbes de ce groupe dans la quatrième conjugaison (DonPr in GPFV:12) : "Aquel que fenissen in IR, si cum sentir, dormir, auzir, sion de la quarta conjugazon."





Conjugaison "inchoative" et "non inchoative"

La deuxième conjugaison existe sous deux formes : la forme "inchoative", c'est-à-dire avec l'affixe -iss- (finisses "tu finis"), et la forme "non inchoative", c'est-à-dire sans l'affixe -iss- (partes "tu pars").

que ce soit en occitan, en français, en italien, et en catalan ( AGC:57-58).


La conjugaison inchoative provient des verbes latins en -scĕrĕ (ci-dessus).


(RLHI:118) : (trad.angl., j.r.q.v.) "Le latin a un affixe -sc- se rajoutant aux racines verbales et conférant une signification  "entrer dans un état" comme dans flōrē "fleurir", flōrēscĕrĕ "commencer à fleurir". Un certain nombre de verbes latins avaient l'affixe de façon intrinsèque : crēscĕrĕ "croître", ădŏlescĕrĕ "devenir adulte", vespĕrascĕrĕ "devenir le soir", cognōscĕrĕ "faire connaissance". Dans le latin populaire d'Italie et de France, ce -sc- commença à s'ajouter à une sous-catégorie des verbes de la quatrième conjugaison, perdant leur signification inchoative, par un processus connu sous le nom d'"effacement sémantique" [semantic bleaching]. À partir de cette association avec la quatrième conjugaison, l'affixe est devenu synchroniquement -isc-."






C. Troisième conjugaison









II. Verbes irréguliers

A. Anar "aller"

Anar a un paradigme composite, voir l'étymologie de anar : ce paradigme provient de ambŭlā ou *ambĭtā, et de vādĕrĕ. L'AO contient aussi des descendants de ī, comme le français moderne (fut "j'irai", cond "j'irais").


1. Indicatif présent de anar


latin

AO

OM
vā >
vauc, vauc >
vau
vādĭs
>
vas
>
vas
vādĭt
>
va, vai
>
va, vai
ambŭlāmŭs ?
>
anam
>
anam (anèm)
ambŭlātĭs ?
>
anatz
>
anatz (anètz)
vādŭnt >
van
>
van

Indicatif présent du verbe anar : évolution du latin à l'occitan.

(GAP:278).



III. Le système verbal vélaire : aguèt, agut, posquèt, poscut...


À faire.

Pour le moment, voir ici à la partie clivage oc / oïl.




Changements de conjugaison